« Les hommes ne sont pas des êtres de lumière. » MELIATELL

Avec la sortie de Elfes (Tome 1) : Le Crystal des Elfes bleus, j’avais introduit le fonctionnement des Terres d’Arran, un univers foisonnant conçu autour de cinq peuples d’elfes. Le concept repose sur une collaboration singulière : cinq scénaristes, cinq dessinateurs, et cinq histoires. Chaque saison de cinq albums suit un cycle immuable : Elfes bleus, Elfes sylvains, Elfes blancs, Semi-Elfes et Elfes noirs, un ballet narratif orchestré avec minutie. Les albums, publiés chez Soleil, nous entraînent dans un univers riche et cohérent, où chaque peuple est mis en lumière tour à tour.

L’originalité de la série réside notamment dans le tissage parallèle des intrigues. Si la première saison dresse une fresque d’aventures indépendantes, chacune campée dans une région des Terres d’Arran, les tomes suivants révèlent une convergence progressive. Les destins des personnages, disséminés aux quatre coins de cet univers, commencent à s’entrelacer, préfigurant une grande fresque épique.

Elfes (Tome 3) : Elfe blanc, Coeur noir, paru en août 2013, s’inscrit évidement dans cette dynamique. Aux commandes, Olivier Péru pour le scénario et Stéphane Bileau pour les dessins.

Olivier Péru nous emmène sur une traque épique menée par deux pisteurs elfes blancs : un père, Meliatell, et son fils adoptif, Fall. Leur traque d’un dragon s’étend sur des siècles, mais un premier point faible surgit ici : l’exploitation de la temporalité. Le dessin, bien que riche et minutieux, peine à transmettre pleinement l’écoulement du temps, un élément pourtant central à cette épopée quasi-mythologique. Heureusement, les dialogues et les textes des bulles viennent à la rescousse pour poser quelques repères temporels.

Côté visuel, Stéphane Bileau livre un travail soigné qui respecte fidèlement la charte graphique des Terres d’Arran. Néanmoins, son style légèrement cartoonesque détonne quelque peu avec l’ambiance grave et solennelle de cette histoire. L’univers des elfes blancs, tout en élégance et en mystère, aurait peut-être mérité une patte graphique plus réaliste ou plus sombre pour sublimer les enjeux.

Mais s’il est une véritable réussite dans ce tome, c’est bien l’apparition du dragon. Première créature de ce genre à surgir dans les Terres d’Arran, elle répond aux attentes des amateurs de fantasy. Monumental, terrifiant, il ne déçoit pas lorsqu’il anéantit une flotte de pirates dans une démonstration de puissance brute. Les dragons, symboles de pouvoir et de mystère dans toute œuvre fantastique, sont ici parfaitement à leur place.

Au-delà des combats et des créatures, le tome s’attarde surtout sur une thématique profondément humaine : les liens familiaux. À travers la relation complexe entre Meliatell et Fall, Olivier Péru explore la transmission, les non-dits, et la fragilité des relations père-fils. L’histoire prend une dimension encore plus poignante lorsque Fall, à son tour, « adopte » un humain, Alornell, qu’il considère comme un fils.

Enfin, le récit aborde une question existentielle chère à la fantasy : sommes-nous maîtres de notre destin ou sommes-nous enfermés dans le rôle que la société, la famille ou le hasard nous attribue ? Les dernières pages, particulièrement poignantes, apportent une réponse brutale et nuancée, bouleversant les liens entre les personnages. Mais lesquels sont véritablement rompus ? Ceux entre Meliatell et Fall ? Entre Fall et Alornell ? Ou les deux ?

Elfes (Tome 3) : Elfe blanc, Coeur noir s’impose comme un tome marquant. Olivier Péru et Stéphane Bileau livrent une œuvre qui mêle habilement action, réflexion et relations humaines, tout en s’inscrivant dans l’esthétique riche et cohérente des Terres d’Arran. Si quelques maladresses sur la temporalité et le style graphique atténuent l’expérience, elles sont largement compensées par la profondeur des thématiques abordées et la puissance évocatrice des scènes majeures, comme l’apparition du dragon. Un récit à la fois épique et intime, qui laisse une empreinte durable dans l’univers de la fantasy.

StevenBen
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le 29 déc. 2024

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Steven Benard

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