Taniguchi et le secret du temple bouddhiste
Surprenant Taniguchi! Après avoir publié ces derniers mois un « Travel Book » sur Venise aux éditons Louis Vuitton, puis une BD sur le musée du Louvre aux éditions Futuropolis, le grand mangaka japonais prend ses lecteurs à contre-pied avec « Elle s’appelait Tomoji », qui vient de paraître aux éditions Rue de Sèvres. Un album bien loin de Venise ou de Paris, puisque Taniguchi y raconte l’enfance et l’adolescence d’une jeune fille dans le Japon des années 20. Le parcours de cette Tomoji n’a rien d’exceptionnel, on peut même dire qu’il est presque banal, mais il montre bien ce qu’était la vie quotidienne dans le Japon encore très rural du début du siècle dernier. Taniguchi, qui s’est associé pour cet album à la scénariste Miwako Ogihara, choisit de nous retracer une vie tout simple, avec ses joies et surtout ses peines, Tomoji devant faire face à la perte de plusieurs êtres chers. Mais elle ne se laisse pas abattre, car c’est une jeune fille courageuse, qui aide sa grand-mère et son frère aîné dans les champs et dans le magasin familial. C’est également une jeune fille intelligente, qui aime l’école, même si elle met une heure à pied pour y arriver. Elle sera d’ailleurs la seule fille de son village à poursuivre ses études au-delà de l’école primaire. Mais pourquoi diable Taniguchi nous raconte-t-il donc avec tant d’application l’histoire de cette jeune fille vivant dans le massif de Yatsugatake, l’une des régions les plus montagneuses du Japon? On en serait sans doute encore à se le demander si l’album ne se terminait pas par une interview de Jirô Taniguchi. Dans cet entretien, l’auteur révèle qu’il s’agit d’une œuvre de commande. En réalité, on lui a demandé de raconter en bande dessinée la vie de Tomoji Uchida, la créatrice d’un temple bouddhiste de la région de Tokyo. Un temple fréquenté depuis trente ans par la femme de Taniguchi. Autant dire que l’auteur n’a sans doute pas eu d’autre choix que de s’éxécuter, mais il l’a fait de manière assez inattendue, en se limitant à l’enfance et à l’adolescence de Tomoji, tout en évoquant le fameux temple en question seulement à la toute dernière page de l’album… Au final, cela donne un résultat assez étrange et loin d’être palpitant, même si ce portrait fidèle du Japon rural des années 20 a quelque chose de fascinant et intéressera certainement les férus d’histoire. Sans oublier que les dessins sont, comme toujours chez Taniguchi, absolument magnifiques! Il n’empêche: cet album ne plaira sans doute qu’aux inconditionnels du maître japonais. Quant à ceux qui ne le connaissent pas encore, mieux vaut qu’ils lisent d’abord des chefs d’oeuvre tels que « Quartier lointain » ou « Le Journal de mon père ».