Emerald
6.8
Emerald

Manga de Hiroaki Samura (2013)

L’exercice de l’histoire courte peut s’avérer passionnant, puisqu’il laisse à l’auteur la possibilité d’expérimenter, de multiplier les idées et les concepts sur un nombre réduit de pages. Il peut aussi se montrer casse-gueule, mais Hiroaki Samura s’en tire à merveille. Néanmoins, à la différence de Sous notre Atmosphère ou de 24 Histoires d’un Temps Lointain, pensées dès le départ comme des projets cohérents, Emerald consiste en un recueil de récits publiés dans différents magazines (dont un consacré au mahjong), à l’instar de Eros X SF ou de L’Eveil.


Au fil des pages, nous allons ainsi avoir droit à des histoires bien différentes, du western pur et dur au drame psychologique, en passant par les discussions de deux lycéennes et même une touche de SF. Hormis celle consacrée au mahjong (qui heureusement ne dure qu’une poignée de pages) et dans une moindre mesure celle intitulée « Le Festin de Brigitte » (au final trop alambiqué et peu cohérent par rapport à ce qui nous avait été raconté jusque-là), chaque récit réussit à tirer son épingle du jeu, que ce soit par son rythme enlevé, son propos marquant, voire son humour.


J’en retiens surtout deux, que j’ai énormément apprécié. « Le grand show de la famille Kuzein » est une fable étrange, dans laquelle une lycéenne s’inquiète de la relation entre son père – un obsédé de la caméra – et leur aide ménagère. Une tournure inattendue et un sentiment de malaise omniprésent en font une réjouissante curiosité. Impossible de dire quoi que ce soit tant la surprise doit jouer un rôle important dans son appréciation, mais ce fût un vrai plaisir à découvrir. De son côté, « Cet uniforme qui nous colle à la peau » consiste en plusieurs segments disséminés dans le volume, et nous propose de suivre deux (ou trois) lycéennes et leur façon décalée de philosopher sur la vie, l’univers, et tout le reste. Cette mini-série à l’intérieur du recueil mise avant tout sur l’humour et la personnalité de ses héroïnes, et apporte un vent de fraicheur à l’ensemble. Rien que pour ces deux histoires, mais aussi parce que les autres restent loin d’être honteuses et possèdent chacune leurs qualités propres, Emerald mérite le coup d’œil pour tout lecteur curieux.


Fait rare, la traduction représente un véritable atout charme, même si je sais qu’elle risque de diviser les lecteurs. Je ne doute pas que le texte d’origine soit souvent drôle, en particulier dans « Cet uniforme qui nous colle à la peau » ; la version française oscille entre l’explicatif quand cela repose sur une référence, ou le jeu de mot quand cela s’avère possible. Et le traducteur s’est apparemment fait plaisir, notamment quand les lycéennes imaginent le nom de leur groupe de musique ou du livre qu’elles essayent d’écrire. C’est systématiquement consternant (« Shadow of the Coloscopie ») mais je crois que c’est voulu. En tout cas, je me suis bien marré.

Ninesisters

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