Emerald et autres récits rassemble plusieurs histoires parues entre 2004 et 2009 sur l’archipel. L’œuvre est parue au Japon sous le titre Sister Generator car les histoires « avaient toutes des filles pour personnages principaux » (Hiroaki Samura). La présence féminine est en effet un élément commun aux différentes histoires qui nous sont proposées (à l’exception d’un très court récit sur le mah-jong).
Un kaléidoscope de personnages et d’histoires, capables de nous surprendre
Les différentes histoires génèrent chez le lecteur différentes réactions. L’humour d’abord, que ce soit dans les propos parfois sans queue ni tête tenus par certaines ou à travers les petits apartés présents au cours des pages et joliment rendus par la traduction française, en plus de ses notes en fin d’ouvrage.
La surprise ensuite, avec des récits où la note finale tranche assez nettement avec les pages qui ont précédé, le plus souvent pour nous offrir une fin heureuse (chose à laquelle Hiroaki Samura ne nous a pas tellement habitués dans l'Habitant de l'Infini, Bradherley no Basha...) mais qui parfois font poindre une note de tristesse (voir « Shizuru Kinema » ou bien la fin du 3ème épisode de « Cet uniforme qui nous colle à la peau »).
Enfin, vient un sentiment d'inconfort ou d'indifférence (ou de plaisir, c'est selon), quand le lecteur se trouve seul juge de ce qui s’offre à lui. Cela concerne plus particulièrement « Le Grand Show de la famille Kuzein » où l’on découvre une relation masochiste entre un père et sa fille (la mère est morte) – avec fille > père. Pour autant, c’est à nous d’évaluer la configuration proposée par l’auteur et de voir ce que nous en pensons (est-ce mal ? est-ce notre affaire de juger ?).
Hiroaki Samura ou l’art de la diversification
S’il est un élément que les récentes parutions (Halcyon Lunch, Snegurochka, Born to be on air - à paraître) de Hiroaki Samura illustrent, c’est à quel point le mangaka sait s’éloigner du cadre qu’il de l’Habitant de l’Infini. Par rapport à cette œuvre marquante par son trait, sa violence et sa beauté, le mangaka nous montre au fil de ses productions à quel point il sait jouer avec les registres et explorer différents terrains.
Cette diversification est-elle sans risque ? Reprenant un propos présent dans une autre revue, on peut se demander si Emerald et autres récits convient à tous les lecteurs ou bien davantage à ceux qui sont familiers de l’auteur. La question est ouverte et pour ma part, il est agréable de voir, à travers les récits proposés, différentes facettes de Hiroaki Samura se déployer, qui nous renseignent sur l’auteur et lui donne un côté amusant, aussi décalé que ses personnages.
« Le français est la langue de Dieu, l’anglais celle des voleurs et l’allemand est le braiment des ânes… »
S’il fallait un mot pour résumer Emerald ce serait celui de surprise : surprise qui se niche dans des successions de propos parfois décousus (à dessein) ; surprise entre les dernières pages d’un récit et celles qui ont précédé, où le dénouement déconstruit ce que le récit avait bâti jusque-là ; surprise enfin dans les thèmes explorés, où l’on passe du coq à l’âne en quelques instants, ce qui donne à Emerald l’aspect d’un concentré d’émotions prêt à nous saisir à chaque page. (Pensez à retirer la jaquette du volume pour voir une partie de cartes amusante.)
Critique en version développée à retrouver par ici.