Il est toujours difficile pour un auteur de se renouveler après une série fleuve. Hiroaki SAMURA reste associé aux histoires de l’époque Edo à cause de son œuvre phare l’Habitant de l’infini. Emerald, ce recueil d’histoires courtes, est-il un renouveau de l’auteur ?
Hiroaki SAMURA est un auteur polyvalent, bien qu’il ait pu démontrer son talent pour les histoires de sabres, aujourd’hui nous pouvons le découvrir sous plusieurs facettes touchant au thriller historique (Snegurochka), à la science-fiction (Halcyon Lunch), ou encore à la tranche de vie comique (Born to be on air). À l’origine Emerald est un recueil d’histoires choisi par l’auteur se nommant Sister Generator. Il avait pour but de rassembler des récits avec des héroïnes.
Les histoires ont été réalisées entre 2004 et 2009 en pleine publication de l’Habitant de l’infini. 7 histoires composent ce one shot dont une divisée en 8 parties de 3/4 pages. Il est difficile de parler de l’œuvre dans sa globalité tant les histoires sont différentes mais 4 thèmes ressortent, le western, les tranches de vie, le fantastique et le sadomasochiste.
Comme il est indiqué avec des termes très élogieux en 4ème de couverture, ce recueil montre la diversité et la palette que l’auteur peut toucher. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’Habitant de l’infini ne classifie pas pour autant son auteur dans un registre particulier. À travers ces 4 thèmes distincts SAMURA se teste, innove, s’amuse ou se change les idées entre deux chapitres de son oeuvre fleuve qui était en cours de parution.
Cette diversité est une preuve qu’il n’a pas fini de faire parler de lui dans le futur, et qu’il cherchera à se renouveler dans une nouvelle série longue. Cette variété est aussi son point faible, les histoires n’ont aucun lien entre elles, il n’y a aucun fil conducteur ou d’homogénéité dans la leurs longueurs, créant ainsi de grosses inégalités qualitatives.
À la première lecture, les histoires laissent un goût d’inachevées et trop ambitieuses pour leur format. Difficile en seulement quelques dizaines de pages d’instaurer un background riche avec de nombreux personnages tout en offrant une conclusion satisfaisante. Certaines histoires sont même beaucoup trop courtes et manque, par effet de bord, d’intérêts réels. De l’aveu de l’auteur, il s’est souvent confronté à des difficultés qu’il ne soupçonnait pas ou il a été limité dans le nombre de pages. Pour mieux restituer les histoires, il sera même conseillé de lire d'abord les intentions de l'auteur en fin de volume avant de lire les histoires.
Si nous prenons ce recueil au premier degré, il reste une déception. Un manga regroupant des histoires expérimentales pour l’auteur, souvent avec une conclusion rapide et au déroulement perfectible. Pourtant il n’en reste pas non plus un échec, loin de là. Chaque thème reste bien traité et l’auteur apporte ses idées, reste original, et voir parfois réussit à nous surprendre.
Pour exemple, l’ambiance Far-West est indéniable, la tension, les armes, les règlements de comptes, tout y est, c’est le manque de background des personnages qui ne rend pas honneur à l’histoire.
Les tranches de vie avec les histoires de lycéennes sont une parfaite représentation du Japon vue par des jeunes de lycées. Combinaisons de conversations décousues avec des idées préconçues, passant d’un sujet futile à des vrais maux de sociétés sans aucune transition.
Le fantastique n’est pas en reste avec cette fin bien trouvée et surprenante, d’ailleurs c’est certainement une des meilleures histoires du recueil.
Et pour finir le sadomasochisme, sujet fétiche de l’auteur qui aime scénariser son penchant pour cette déviance, ce sujet est traité avec plus de soins mais la fin précipitée des histoires ne rend pas honneur à leurs scénarios.
Au final ce recueil est mi-figue, mi-raisin. Ce ne sont pas les idées le vrai problème mais la longueur des histoires que l’auteur à mal maitrisé. Les lecteurs occasionnels risquent de vite passer leur chemin et de pas découvrir le talent de SAMURA. Les fans prendront plus de temps et l’apprécieront comme un objet de collection montrant l’évolution de l’auteur pour ses oeuvres futures ou peut-être les prémisses de sa future série à succès.
L’auteur a toujours était adulé pour la qualité visuelle de l’Habitant de l’infini, il en est de même ici. Dans un registre contemporain, le rendu est sans équivoque, c’est toujours aussi beau. Ce mélange de crayonnés hyper détaillé mêlée à des personnages aux charismes séduisants fonctionne. L’auteur maitrise les cadrages, moment de tension ou d’actions. C’est toujours un plaisir de retrouver son trait.
Ce sont les Éditions Casterman qui ont édité ce recueil. Publié dans un grand format (env. 15x21cm) avec une jaquette amovible, l’ouvrage n’a pas de page couleur. Une postface de l’auteur sur chaque histoire et des notes de traductions sont présents en fin de volume. L’ensemble est de bonne facture mais reste classique. Il est regrettable de ne pas avoir gardé la couverture et le nom original au lieu de mettre en avant une histoire de 60 pages.
Conclusion :
La diversité des histoires de ce recueil en font un one shot mitigé mais il sera difficile de démarrer par cet ouvrage pour apprécier tout le talent de l’auteur. Il sera conseillé aux fans souhaitant découvrir d’autres travaux de SAMURA tout en sachant les défauts inhérents à ce format. Pour les autres vaut mieux se tourner directement vers son oeuvre majeure.