Dans l’Angleterre du début des années 20, Emma G. Wildford et Roald Hodges se sont promis de se marier. La cérémonie doit avoir lieu le jour des vingt ans d’Emma. La jeune femme, une poétesse aussi passionnée que romantique, attend ce moment depuis des années. Mais ce mariage aura-t-il lieu un jour? Cela fait plus d’un an maintenant que son fiancé n’a plus donné le moindre signe de vie. Ni lui, ni les autres membres de son expédition. Issu d’une longue lignée d’explorateurs, Roald Hodges a embarqué sur le "Farewell", un bateau affrété par la vénérable Royal Geographical Society, en direction de la ville de Tromsø, au nord de la Norvège. Son objectif était de rejoindre le lac Inari, en Laponie, pour y retrouver le tombeau de la déesse Dolla, de même que les trésors qu’il contient. Mais tout porte à croire que Roald et ses compagnons ont péri dans le Grand Nord. Ses amis et sa famille tentent de convaincre Emma de tourner la page, voire même de trouver un autre fiancé, mais rien n’y fait: elle croit dur comme fer que Roald est toujours en vie! Tous les jours ou presque, elle harcèle les autres membres de la Royal Geographical Society pour obtenir des nouvelles, même si en tant que femme, elle n’a normalement pas le droit d’entrer dans ce club réservé aux gentlemen. Lasse de ne pas recevoir de nouvelles, elle décide de se rendre elle-même en Laponie pour retrouver la trace de son bien-aimé. Une chose est sûre: Emma refuse à tout prix d’ouvrir la lettre que son fiancé lui a confiée avant de partir. Car si elle le faisait, ce serait comme admettre qu’il lui est arrivé malheur…
"Emma G. Wildford" est certainement l’un des romans graphiques les plus réussis de cette fin d’année 2017. L’un des plus étonnants aussi. Notamment au niveau de sa forme: au lieu de s’ouvrir de manière traditionnelle, la couverture de cette BD se déplie comme un triptyque. A l’intérieur, on trouve une sorte de cahier dans lequel se cachent une lettre, un ticket de bateau et une photo qui accompagnent le récit. L’histoire en elle-même s’avère tout aussi étonnante, comme souvent chez Zidrou. Une fois de plus, le scénariste belge prouve qu’il est un formidable raconteur d’histoires. Avec ses personnages attachants et ses dialogues qui font mouche, il nous embarque sans difficultés dans la quête touchante de la pétillante Emma, qui cherche à la fois l’amour et la liberté. Alors que "féminisme" a été désigné comme l’un des mots de cette année, la jeune poétesse britannique imaginée par Zidrou et Edith s’impose comme une héroïne clairement féministe. D’une part parce qu’elle refuse de rester enfermée dans le rôle qu’on veut lui imposer. D’autre part parce que c’est un esprit libre, qui aime lire des poèmes devant une assemblée clairsemée ou se baigner nue dans un étang quand il fait trop chaud. Elle fait tout simplement ce qui lui plaît, en s’amusant à défier les convenances et les qu’en-dira-t-on. C’est donc une femme en avance sur son temps, à l’opposé de sa sœur qui a épousé un banquier triste à mourir. Si "Emma G. Wildford" est un livre réussi, c’est lié également au travail de la dessinatrice Édith. Avec ses coups de pinceaux particulièrement délicats et ses couleurs d’une grande douceur, celle-ci parvient à merveille à restituer l’ambiance particulière du Royaume-Uni du début du XXème siècle. Autrement dit, tous les ingrédients sont réunis par Zidrou et Edith pour signer un roman graphique plein d’aventure, de romantisme et de poésie. Un livre qui plaira à coup sûr aux amoureux des films de James Ivory et de la série "Downton Abbey".
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