Animocalypse

Sous le prétexte habile d’une expédition sur l’île d’Heyerdahl dans l’océan arctique, la curiosité d’une équipe de tournage confrontée à la réalité de terrain d’une équipe de scientifiques va permettre au lecteur de découvrir les remous de la vie sur Terre depuis des millions d’années.

Une longue histoire bien agitée, à la survie fragile, notre bonne vieille planète ayant connu plusieurs extinctions de masse, qui ont bien failli faire place nette bien trop nette. A travers ces grands événements, la question se pose : pourquoi telles espèces survivent, ou plutôt comment ?

Les personnes impliquées expliquent comment certaines découvertes scientifiques ont pu bouleverser des visions parfois bien faciles (merci Dieu pour tout) et parfois rocambolesques, s’attachant à enquêter et questionner un passé dont les traces encore existantes sont parfois bien maigres. La recherche avance, elle recule parfois, et le champ des hypothèses reste encore bien rempli. Les chercheurs présents rappellent bien que leur travail est parfois contraignant, parfois incertain.

Le ton est didactique, mais évite la leçon assommante, en mettant en avant ses personnages, à l’image de Luis, la journaliste, un peu en retrait de ce monde scientifique, qui questionne avec un œil extérieur. Les quelques personnes présentes nouent des liens, au fil de plusieurs jours, mais en dehors de quelques petits remous en lien avec leur mission, l’idée reste bien de présenter une histoire de la vie (et de la mort) des espèces.

Evidemment, si la planète n’a pas eu besoin de l’homme pour tuer sa progéniture, faune et flore, les conséquences de l’action de l’homme sur l’environnement constituent une part de plus en plus croissante de l’ouvrage. Parmi les nombreux thèmes évoqués, l’album rappelle que l’homme a toujours cherché à contrôler son environnement, à le dompter pour ses besoins, bien loin du mythe d’une parfaite cohabitation entre l’humain et la nature. La prise de conscience actuelle est nouvelle, mais arrive après un empoisonnement massif, irrémédiable sur plusieurs plans. Des solutions existent, l’ouvrage ne s’achève pas sur un pessimisme déprimant, mais difficile de ne pas avoir un petit arrière-goût amer dans la bouche, celui de la responsabilité de notre espèce dans ce carnage.

Aidé de Jean-Baptiste de Panafieu, grand auteur de vulgarisation scientifique, Alexandre Franc offre un ouvrage stimulant et instructif. Le dessinateur opte pour un style proche de la ligne claire, qui lui permet d’être clair et lisible, un avantage dans le genre de la bande-dessinée documentaire, pour lequel il ne s’agit pas de sa première réalisation. Ses couleurs vives offrent un peu de vie malgré la dureté du décor et du propos. Ses personnages sont toujours présents, acteurs et présentateurs de cette grande épopée des extinctions, leur offrant un peu de vie en papier pour mieux évoquer la mort.

Extinctions, le crépuscule des espèces s’offre à nous avec beaucoup de qualités, la bande-dessinée est sérieuse mais bien informée, s’appuyant sur des sources, citées en fin d’ouvrage. L’ouvrage ne crie pas au militantisme écologique, même si ça ne ferait pas de mal, pour mieux rappeler une longue suite d’extinctions certes « naturelles » mais dont la dernière à l’oeuvre pourrait bien être la pire.