Année après année, Eisner fut toujours confronté aux préjugés ethniques et raciaux. Notre auteur se lança alors dans l'écriture de romans graphiques sur les juifs qui sont encore sujets à de gros préjugés. Fagin le Juif est un des ses derniers ouvrages sur le sujet. C'est un roman graphique qui reprend des thèmes qui lui sont chers comme la ségrégation, l'antisémitisme, les préjugés ... Pour cela, il utilise le personnage de Fagin célèbre pour être dans Oliver Twist. Celui-ci pas loin de la mort demande à rencontrer le romancier pour lui expliquer que ce qu'il est devenu ne fut pas forcément par choix. Il voulait aussi faire prendre conscience à l'auteur que "Juif" n'est pas synonyme de telle ou telle chose. Eisner se sert là du personnage pour exprimer son point de vue et rétablir selon lui ce qui est un « bon stéréotype ».
Le scénario est brillamment mis en œuvre et on ne s'ennuie pas une seconde dans ce récit qui même s'il n'explose pas de partout est particulièrement bien rythmé. Les personnages sont très travaillés et ont tous leur importance. La mise en page est-elle aussi spéciale vu qu'il n'y a pas de cases à proprement parlé, mais seulement des dessins. La construction n'est donc pas celle d'un comic-book classique, pas de splash pages ou de dessins se chevauchant.
Eisner réussit à faire en sorte que chaque dessin soit fort et expressif, il se permet donc de faire en trois cases une scène que l'on lirait dans un mainstream en plusieurs pages, il va droit à l'essentiel. Son style un peu rond pour l'occasion permet de lire cette BD comme une histoire pour enfants, bien que le sujet soit tout à fait plus sombre. Considéré comme celui d'un « vieux dessinateur », son trait ne prend pourtant pas une ride et concurrence largement certains auteurs de maintenant.