Family Compo
7.7
Family Compo

Manga de Tsukasa Hōjō (1996)

Manga originellement en 14 tomes, mais je l'ai lu dans l'édition "de luxe" qui en compte douze. Et on aurait clairement aimé que ça dure plus longtemps. La base du scénario, c'est qu'un jeune étudiant a perdu son dernier parent, son père, récemment, et est invité à retrouver une famille chez un oncle et une tante du côté maternel qu'il n'a pas connus et dont il ne sait rien. Sa mère avat un frère et c'est ce frère donc qui le recueille sous son toit. Cette famille se compose d'un homme, d'une femme et semble-t-il d'une très jolie fille, mais le héros Masahiko découvre rapidement que les sexes sont inversés pour son oncle et sa tante. Le frère de sa mère joue le rôle conjugal et social de la femme et épouse, tandis que la tante se pense en homme et s'impose comme tel. Ce qui impressionne rapidement, c'est la manière qu'a eue l'auteur de contourner les difficultés réelles d'un pareil thème. Il crée un couple harmonieux où les rôles sont parfaitement intégrés, profitant du fait d'écrire de nombreux chapitres où il suffit de faire agir l'épouse travestie en femme et l'époux travesti en homme. Les interventions chirugicales sont minorées ou à la marge, dans l'ensemble du manga, et ne concernent quasi pas le couple de la tante et de l'oncle. Ils ont donc apparemment une fille, et on apprendra plus tard comment elle est née, la relation du couple étant assez asexuée. En évitant le physiologique, Tsukasa Hojo joue dans le confort de la représentation de soi devant les autres et permet de conserver la cible éditoriale, le jeune public. Un discours de tolérance est évidemment à l'oeuvre, mais il n'est pas du tout accentué, tout se joue en notes délicates et cela permet à l'auteur de jouer aussi avec l'humour à la City Hunter et sur une tolérance avec des conceptions plus tradtionnelles sur la normalité, etc. L'humour et l'alchimie d'une acceptation du monde tel qu'il est n'auraient pas marché dans un manga plus militant. Il faut préciser que, par moment, l'oncle et la tante ont des propos eux-mêmes hostiles à l'inversion des sexes quand il ne s'agit pas d'eux? En clair, même s'il y a un caractère romanesque idéalisé à la Tsukasa Hojo où même le criminel yakuza est vu sous ses bons côtés, ce n'est pas un manga avec un message simpliste. Evidemment, l'histoire ne se limite pas à comprendre ce couple aux sexes invesés, il y a plusieurs autres travestis qui traversent le récit, avec une histoire de famille yakuza qui s'y ajoute mais dont le traitement final est resté quelque peu en marge, et avec un héros principal Masahiko qui va lui-même parfois évoluer en femme. Et puis, il y a cette fille de la maison dont le sexe finit par être une énigme obsédante pour le héros comme pour les lecteurs. Contrairement à ce que j'ai pu lire, rassurez-vous, on sait à quoi s'en tenir, et en tout cas à la fin du manga, du moins si on sait lire entre les lignes, car c'est fait avec un brio impressionnant. Quelle fin ! Il y a une subtilité scénaristique très habilement amenée et le dénouement arrive sans qu'on s'y attende. Mais cette fin se redouble d'une autre subtilité, car il y a d'autres éléments à cerner dans les propos finaux et finauds de Shion. Vous avez aimé le fin de Cat's Eye, vous allez aimer la fin de F. Compo. Tout au long de son manga, j'ai à peine senti quelques faiblesses dans le traitement d'une petite portion de l'histoire de la famille yakuza. Pour le reste, c'est d'une maestria sidérante, et même le développement sur la famille yakuza a ses temps forts. L'humour est très présent avec comme je l'ai dit tout le décalage des vacheries qui dénoteraient si le manga avait été militant. Tsukasa Hojo est un observateur amusé, c'est de cette place-là qu'il enseigne la tolérance. Enfin, pour ceux qui se font de lui une idée à partir des animés City Hunter et Cat's Eye il faut savoir que les deux animés n'ont pas la profondeur lyrique du manga et sont farcis de nombreux épisodes inédits, surtout Cat's Eye qui n'adapte que très peu le manga et n'en raconte pas du tout l'histoire pour faire du épisode d'un jour sur le thème filles voleuses et policiers tournés en bourrique. Qui plus est, les deux adaptations en version française ont un doublage aux textes improvisés désinvoltes et méprisants. Il est certain qu'on rit avec les formules exagérées des versions françaises de City Hunter mais ces dialogues ont été composés par quelqu'un qui méprisait ce qu'il doublait et qui méprisait les enfants auxquels la série était destinée : "ah ! j'ai bobo !" cela sentait son animosité en réalité du producteur contre la série japonaise, faut pas rêver ! Or, quand on lit les mangas, on est sous un charme lyrique qui est une force majeure de Tsukasa Hojo, même malgré l'accentuation des scènes loufoques et obscènes dans City Hunter. A ce sujet, il y a un peu de dessins "mokkori" dans F. Compo, mais très peu. L'humour est potache pour les situations en revanche et quelques fois plus féroce pour un certain Eijima. Mais de Tsukasa Hojo, il faut avoir lu aussi les récits courts ou le manga en trois tomes Sous un rayon de soleil. C'est cette sensibilité lyrique maîtrisée qui fait le charme de F. Compo, mais en même temps on n'a pas le même rapport constant au monde des enfants et à l'émerveillement pour la Nature que dans l'excellent Sous un rayon de soleil on est vraiment dans les rapports psychologiques compliqués des personnages. On se rappelle tous les dénouements d'intrigue où Ryo Saeba finit par jouer un rôle plus noble que celui de l'obsédé de service. Difficile de ne pas comparer Shion à Hitomi dans Cat's Eye, et du coup de ne pas comparer l'inspecteur amoureux d'Hitomi au jeune Masahiko. Et c'est là qu'il est temps de faire tomber la dernière pièce maîtresse de F. Compo c'est l'histoire de Masahiko et de sa petite amie Yoko, histoire qui n'avance pas et qui va de pair avec la relation trouble entre Masahiko et Shion (apparemment, au Japon, les amours entre cousins germains ne sont pas problématiques, car le sujet est traité sans qu'à un moment ça ne soit envisagé comme de l'inceste ou un problème familial ou quelque chose de risqué au plan de la reproduction). Cette intrigue avec Yoko est parfois laissé de côté alors que le fil rouge est la relation entre Masahiko et Shion. Tout se résout très vite dans les derniers chapitres, mais alors qu'on peut commencer à craindre que ce soit bâclé cela est en réalité traité habilement avec une interconnexion qui est renforcée quand on s'y attend le moins et cela permet aussi de comprendre une certaine fin ouverte et quelque peu mitigée au sujet de Masahiko...

Ce manga, vous pouvez foncer, c'est aussi bon que Cat's Eye, City Hunter, Sous un rayon de soleil et quelques autres histoires courtes. Même le manga interrompu Rash n'est pas si médiocre qu'il pourrait y paraître. On est vraiment face à un grand nom du manga par le dessin comme par les scénarios.

davidson
10
Écrit par

Créée

le 14 nov. 2022

Critique lue 69 fois

davidson

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