Fantastic Four: Unstable Molecules par arnonaud
Ce Fantastic Four : Unstable Molecules est un véritable O.V.N.I. parmi les récits super-héroïque. Tout simplement car ça n'en est pas un. Pas du tout même, c'est un récit intimiste dans la pure veine de la BD indépendante américaine. Et ce qui est intéressant c'est son utilisation du mythe des Fantastic Four.
Au début l'on croit à une espèce de préquel à Fantastic Four #1. Qui étaient les personnages avant d'embarquer dans l'aventure folle qui est la leur. Quelle était leurs vies, leurs relations, leurs amours, leurs boulots en 1958 ? Qui sont les 4 Fantastiques ? Et l'on découvre en fait ensuite (ou si on lit vraiment ce qui est écrit sur la couverture) que le récit nous raconte l'histoire des VRAIS Fantastic Four. James Sturm décide d'imaginer quatre personnes qui auraient inspiré à Kirby et à Lee le fameux quatuor. Pas en allant dans l'espace ou en étant transformé, non. Car ce n'est pas là le centre des 4F et c'est ça que Sturm cherche à nous démontrer durant tout son récit, le centre des 4 Fantastiques c'est ces 4 personnages, leurs caractères et surtout les relations qui les unie. 4 tempéraments complètement différents, qui ne s'entendent pas toujours mais qui sont unis entre eux, une sorte de famille par procuration, que seul un lien, qui peut se briser à tous moment, relie.
C'est une BD sur les relations sociales, ce qu'on est pour les autres, ce qu'on représente pour les autres et ce qu'on est réellement, nos aspirations et ce à quoi ressemble réellement notre vie, la façon dont on se soumet à d'autres et aux choix des autres, la solitude, le mal-être... Des thématiques qui semblent bien loin des 4F mais qui sont plus ou moins sous-entendus dans les récits classiques. Les relations plus ou moins fonctionnelles entre les 4 membres à toujours été le ciment de l'équipe et leurs problèmes quotidien ont toujours eu une importance singulière. James Sturm ne fait qu'ici évacuer le fantastique de la vie de nos 4 personnages et approfondir leurs caractères, leurs personnages, pour découvrir qui ils sont vraiment.
J'ai vraiment été captivé par cette mini-série, je l'ai lu d'une traite, et c'est certainement l'une des aventures des 4F les plus passionnante que j'ai pu lire, si ce n'est la plus passionnante à l'heure actuelle. Les personnages n'ont jamais été aussi humains et compréhensibles. Reed Richards est un scientifique plus enfermé dans sa science que jamais, intelligent mais renfermé sur lui même et qui a du mal à comprendre réellement les autres, Sue Storm se retrouve à devoir élever son frère de 10 ans son cadet après la mort de ses parents et s'enferme dans un quotidien dont elle ne veut pas mais dont elle n'arrive pas à se sortir, Johnny vit mal aussi l'absence de ses parents et est en colère contre tout et rêve de s'enfuir. En attendant il se referme sur lui-même et devient pote avec un geek. Ben Grimm semble avoir une vie meilleure, il a une copine avec qui il est depuis bientôt un mois, mais lui aussi n'arrive pas à se plaire réellement dans le quotidien. Rêvent-ils tous d'aventures plus passionnantes ? Certainement. En attendant ils sont cloîtrés dans un quotidien qui n'est pas toujours évident pour eux. On retrouve bien l’essence des personnages. Le côté obsédé par la science de Reed, le côté effacé de Sue, la soif de liberté de Johnny ou la manière de Ben à ne jamais être content de ce qu'il a, à pleurer sur son sort tout en s'affichant comme un dur.
Personnellement, l'interprétation de Johnny est celle qui m'a le plus étonné. Alors que les autres ont vraiment le quotidien qu'on pouvait s'imaginer en lisant leurs aventures. On retrouve ici un Johnny dépeint comme un geek fana de comics, ami avec un petit boutonneux et passant les 3/4 du temps avec lui. S'il est toujours fort en mécanique, et qu'il nous est dit qu'il est toujours considéré comme étant beau garçon, son besoin de liberté et d'évasion ne se manifestent pas ici de manière physique mais mentale, via les comics, et ceux de Vapor Girl en particulier, qui l'obsèdent totalement, et qui lui permettent de ne pas penser au quotidien.
Cette chronique de quatre destinées un peu brisée est vraiment très bien racontée par James Sturm. Il prend son temps et sait saisir le côté morne et contemplatif du quotidien sans que cela soit ennuyeux. Les pensées et les dialogues des personnages sont en plus très soignés, et l'univers de la fin des années 50 est crédible. La narration est vraiment bien pensée, avec des parallèles avec les comics bien utilisés, des personnages qui se révèlent petit à petit et un final riche en évènements.
Au final on a là un excellent exercice de style de transformation de super-héros en personnages réalistes en gardant le sentiment que ce sont bel et bien les 4F que l'on a devant nous, alors qu'ils ne font aucun voyage dans l'espace ou association dans le but du bien commun. Mais physiquement, mentalement, par leurs relations, ce sont les 4 Fantastiques. Ce qui me plaît autant dans ce récit c'est le fait d'avoir un récit intimiste de BD indé avec des personnages que j'aime depuis longtemps, ça donne des pistes sur ce à quoi leur quotidien en 58, avant le lancement de leur fusée, pouvait ressembler, et le chapitre 2, sur Sue, est brillant dans sa construction et son interprétation du personnage.
Bref, à conseiller pour ceux qui aiment les super-héros ET la BD indé américaine.