L’éditeur Akata, filiale de Delcourt, présente Fight Girl comme une série qui « réinvente les codes du manga pour filles ». Si ce genre d’affirmation vous suffit pour vous pousser vers un manga, si vous attendez des shôjo qu’ils sortent du cadre de la comédie romantique scolaire aux couvertures roses et aux trames fleuries, alors n’achetez surtout pas Fight Girl, car cette phrase d’accroche est absolument mensongère.
Fight Girl est un shôjo dans le sens le plus caricatural du terme, ou du moins tel que nous le percevons en France ; et un éditeur comme Akata, même s’il prétend sortir des sentiers battus, entretient le public français dans cette idée saugrenue que tous les shôjo sont des romances lycéennes avec un peu d’humour et beaucoup de sentiments. Sauf qu’ici, il y a plus d’humour que de sentiments.

L’imposture démasquée, que pouvons-nous dire sur ce titre en particulier ? L’élément qui distingue Fight Girl des autres comédies similaires – puisqu’elles en ont toutes au moins un, même si le schéma reste le même – c’est son héroïne. Un personnage bagarreur, peu habitué à l’école dans la mesure où elle a passé le plus clair de sa scolarité à sécher les cours, d’une intelligence limitée, et bien décidé à faire croire à tout le monde qu’elle est absolument « normale ». Autant dire que ce n’est pas gagné. Pour ne rien arranger, comme elle ne peut rester inactive lorsqu’elle voit un individu en danger, elle s’est inventé deux identités secrètes qu’elle assume dès qu’elle doit recourir à la force : Super Lapinou, la super-héroïne au masque de lapin, et Natsuo, le nouveau chef de l’école capable de vaincre n’importe quel ennemi.

Vous l’aurez compris à la lecture du synopsis, Fight Girl est en premier lieu un manga humoristique. Celui-ci mise avant tout sur la personnalité délirante de ses protagonistes, puisque outre l’exubérante Mayufu, nous découvrirons au fil des tomes le chef de l’école en réalité complètement fleur bleue, un ninja dont les techniques n’ont d’égal que leur inefficacité, et les anciens subalternes de Mayufu (dont un masochiste).
A ce propos, ce manga souffre d’un mal assez fréquent dans ce genre de série : la multiplication des personnages secondaires pour maintenir l’intérêt du lecteur, un peu comme si ceux déjà présents avaient été suffisamment exploités et n’avaient plus rien à offrir. Sur les derniers tomes publiés en France, certains passages ne concernent plus du tout l’héroïne, voire se déroulent bien loin de son quotidien ; c’est particulièrement le cas quand nous suivons les aventures de ses amis du collège. Cette technique sert surtout à continuer d’exploiter le succès d’un titre sans avoir à faire progresser l’histoire de fond et les relations entre les personnages ; la fin du statu quo serait synonyme de fin du manga.

Si l’auteur arrivait à proposer des personnages secondaires aussi intéressants que ceux d’un Otomen ou d’un Host Club, pour ne citer qu’eux, cela ne poserait aucun problème. Mais clairement, ce n’est pas le cas. Du moins, elle n’arrive plus à en proposer qui soient aussi bons que ceux du début, à l’exception du ninja.
Ne pas vouloir faire progresser l’histoire de fond pour profiter du succès d’un titre, c’est une chose, mais en contrepartie, il faut offrir quelque chose au lecteur, un os à ronger. Et force est de constater que Fight Girl ne propose rien pour compenser. La mangaka accumule les protagonistes interchangeables sans charisme, dont il est strictement impossible de se souvenir d’un tome à l’autre tant ils ne dégagent rien et ne donnent pas envie de nous attacher à eux.
Un peu comme les membres du conseil des élèves dans l’arc le plus navrant de Fruits Basket. Nous n’en avons juste rien à foutre d’eux et de ce qui peut bien leur arriver. Et comme il est impossible de construire une histoire sur du vide, ce manga finit par se vautrer dans les grandes largeurs.

C’est dommage, car Fight Girl disposait d’un bon capital sympathie, en premier lieu grâce à une héroïne explosive. Mais faute de faire avancer le scénario, ce manga tourne rapidement en rond ; environ dès le 6ème tome. A partir de là, Fight Girl n’a plus rien d’accrocheur et ne se montre que rarement drôle, ce qui pour une comédie représente un sacré handicap ! Ce fût amusant, ce fût divertissant, mais c’est du passé.
Fight Girl déçoit dans la longueur, à trop vouloir durer plus que de raison. La mangaka compense comme elle peut en rajoutant des personnages, mais elle semble avoir employé ses meilleures idées dans les premiers volumes, et se montre incapable de produire quoi que ce soit qui donne envie de continuer sa lecture. Pour ma part, j’ai fini par revendre la série, ce qui m’arrive rarement.
Ninesisters
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le 7 mars 2013

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