Scénariste : Robert Kirkman
Artistes : Chris Samnee, Matt Wilson, Rus Wooton
Éditeur : Image Comics/Skybound
La genèse
Robert Kirkman a voulu créer l’événement autour de sa nouvelle série Fire Power .
Pour cela, il a eu l’idée de faire converger la sortie du prélude de la série avec le Free Comic Book Day, début mai. Ainsi, vous auriez pu découvrir, l’introduction (à 9.99$) et son premier numéro gratuitement en avant première chez vos libraires spécialisés. Le nouvel ordre mondial (post pandémie) n’a eu cure de ces projets. Finalement, le prélude a été publié début juillet et les deux premiers épisodes de la série début août, au lieu de juin.
En France, la maison d’édition Delcourt devait collaborer avec Image Comics pour sortir le prélude simultanément. L’origin story de 160 pages n’arrivera dans nos contrées qu’en octobre 2020 au prix de 16.5€.
Résumé
Owen Johnson, jeune sino-américain, entreprend une quête initiatique en Chine. Sur la trace de ses parents biologiques, ses pérégrinations le mènent à un mystérieux temple Shaolin. Les élèves y étudient l’art du Pouvoir de Feu, une discipline perdue permettant de maîtriser les boules de feu. Une prophétie raconte que le porteur d’un tel pouvoir est destiné à sauver le monde.
Owen Johnson sera-t-il la première personne en mille ans à maîtriser le Fire Power ?
Quinze ans après avoir quitté le temple, dans des conditions encore mystérieuses, Owen Johnson mène une vie de famille américaine paisible. Entouré par ses proches, il ne pouvait rêver meilleur avenir. Cependant, son passé refait surface. Une vieille connaissance tente de le convaincre de rejoindre la résistance. L’élu va-t-il rentrer dans les rangs pour combattre le clan de la Terre Brûlée ?
Mon avis
Oups...
Je me suis lancé dans la lecture de Fire Power sans avoir lu le prélude de l’histoire. Grave erreur… Bien que les deux premiers numéros soient une bonne lecture, ils perdaient en consistance sans un minimum de contexte. J’ai failli ne pas faire cette critique, j’avais l’impression de m’être fait rouler. Je voulais être certain de n’être pas passé à côté de quelque chose, alors je me suis aussi procuré le prélude. Et là, une épiphanie, les étoiles se sont alignées, le récit a pris tout son sens.
Karaté Kid + Desperate Housewifes
Robert Kirkman est un scénariste connu pour s’approprier un genre et le façonner selon ses désirs. Prenez The Walking Dead par exemple, histoire post-apocalyptique aux premiers abords. L’auteur nous plonge dans les tréfonds de la nature humaine, faisant du zombie un prétexte.
Avec Fire Power, il s’attaque aux codes des arts martiaux. Durant le préambule, le héro est entraîné à la dur par un Maître (fan de Radiohead) intransigeant, à la Karaté Kid. Ses origines sont étrangement similaires à celle de Danny Rand aka Iron Fist ou de Dr Strange. L’apprenti surdoué, aux capacités extraordinaires, voué à une destiné incroyable, liée à des secrets familiaux embarrassants, ne prend plus. Ce constat soulève la suspicion d’un manque d’imagination de la part de Robert Kirkman. Cependant, le succès de la série réside ailleurs que dans le trope suranné de l’élu salvateur.
C’est là que la magie Kirkman entre en jeu. Il instille un dosage parfait de mystère, de suspense et de coups de théâtre pour retenir l’attention du lecteur. On veut savoir ce qui est arrivé à ses parents, pourquoi il a quitté le temple, en savoir plus sur le clan de la Terre Brûlée et pourquoi leur chef ressemble tant à Shredder. Et soudain, ellipse de 15 ans, on atterrit au sein d’une famille moderne idéale. Owen Johnson vit désormais une vie bien rangée.
Kirkman prend le lecteur à contre pied et le déstabilise pour lui faire comprendre qu’il n’a pas juste imité les codes des arts martiaux. Il s’en est emparé pour en faire une œuvre aux thématiques contemporaines. Le premier épisode sert de scène d’exposition à la nouvelle vie du protagoniste, autour d’un barbecue familial. Kirkman sait « créer un moment », pour développer discrètement les motivations de la galerie de personnages nourrissant la narration.
The Secret Weapon
Le talent de Chris Samnee est une raison du succès critique et commercial de la série. Sa patte reconnaissable entre mille, lui a valu de remporter les deux prix les plus prestigieux de l’industrie : en 2011, le Prix Harvey du talent le plus prometteur pour Thor: The Mighty Avenger et en 2013 le Prix Eisner du meilleur dessinateur/encreur pour son travail sur Daredevil et Rocketeer: Cargo of Doom.
Dans Fire Power, il dévoile son plein potentiel. Le récit est introduit par l’épopée d’Owen Johnson dans les montagnes himalayennes à la recherche du moindre indice sur son passé. Instantanément, le dessinateur tire la couette vers lui en exposant son savoir-faire, dans une séquence muette sublime. Chris Samnee est capable de retranscrire le faste d’un temple bouddhiste et de dépeindre le quotidien américain moyen avec le même enthousiasme. Dans un autre registre, Chris Samnee prouve sa maîtrise de l’art séquentiel en donnant vie à un combat long de 20 pages dans l’épisode #2. Une sorte de plan séquence digne du story board de John Whick 4 (fraîchement annoncé).
Couleur menthe à l’eau
Matt Wilson, coloriste de renom dans le milieu du comics, forme le vrai duo de la série avec Chris Samnee. Sa palette de couleurs traverse tout le spectre visible. Ce côté aplat pastelle souligne dans le prélude l’aspect zen de la tradition bouddhiste avec des couleurs chaudes. Il donne toute sa profondeur à l’expression « fleur-bleue » lors de la courte romance entre Owen et Ling Zan. Et jongle entre les couleurs ternes dans un épisode totalement nocturne.
Conclusion
Dans plusieurs interviews, Robert Kirkman explique avoir voulu donner une origine story en huit épisodes (une demie année de vie éditoriale) à un prix raisonnable. L’intérêt ? Faciliter l’attachement du lecteur à la série dans une courte période de temps. Les créateurs ont déjà une année de contenu (environ 2 tomes) supplémentaire, alors attendez-vous à en réentendre parler très bientôt!
Note : 8,5/10