Dans Formica, Fabrice Caro transforme un banal repas familial en tragédie shakespearienne – mais version comique et sans les cadavres (quoique, l’ennui peut parfois être mortel). Ici, la table du dimanche devient une scène de théâtre où la nappe plastifiée sert de rideau, et les petits plats mijotés abritent des dialogues plus croustillants qu’un gratin brûlé.
L’intrigue ? Une réunion de famille classique où tout le monde prétend aller bien (mais où tout le monde se déteste cordialement). Fabcaro capture avec une précision chirurgicale ces petits moments d’hypocrisie ordinaire : la tante qui rabâche les mêmes anecdotes, l’oncle qui part dans une tirade sur le prix du gasoil, et l’inévitable silence gênant quand on évoque le cousin parti vendre des bracelets en Inde. C’est du vécu, du vrai, du douloureux – et du franchement drôle.
Graphiquement, Fabcaro reste dans son style dépouillé, à la limite de l’esquisse. On pourrait dire que ça manque un peu de relief, mais en même temps, c’est une métaphore parfaite pour ces discussions où tout le monde joue la comédie sans vraiment y croire. On regrette juste que la mise en scène, volontairement monotone, finisse par étirer certaines blagues un peu trop longues – comme un chewing-gum mâché pendant tout l’apéritif.
Le vrai drame de Formica, c’est peut-être son rythme en dents de scie. Certains dialogues sont hilarants, des punchlines qui claquent comme un verre qu’on casse sur le carrelage. D’autres, en revanche, s’égarent un peu dans des détails qui laissent le lecteur dans un état de flottement : fallait-il rire ou juste compatir avec les personnages ? Fabcaro joue avec cette ambiguïté, mais parfois, ça donne juste envie de zapper à l’acte suivant.
En résumé, Formica est comme un repas familial : une expérience à la fois familière et légèrement pénible, où on se surprend pourtant à sourire entre deux bouchées. C’est tendre, mordant, et un peu répétitif – mais parfait pour se rappeler qu’au fond, la vraie tragédie, c’est de ne jamais rire de ces petits drames du quotidien. Allez, servez-vous une deuxième part… ou passez directement au dessert.