Auréolée de mystère et toujours irrésolue, l'affaire de Jack l'Éventreur (Whitechapel, Londres, 1888) est sans doute l'une des affaires criminelles qui ait embrasé toutes les passions. Celui qui était communément désigné sous le surnom de Jack The Ripper, n'a cessé de stimuler l'intérêt et l'imagination de nombreux écrivains ou réalisateurs. Tout comme Patricia Cromwell, Robert Desnos ou encore Stéphane Bourgoin, Alan Moore s'est également saisi de ce fascinant dossier. Son interprétation aussi documentée que fantasmée, tire son titre de From Hell, la lettre prétendument envoyée par le tueur à l'époque. Les thèses étoffées par Alan Moore se basent sur les faits historiques, politiques et sociologiques de cette inquiétante Londres de l'ère victorienne. A cette différence près que le génial scénariste y ajoute une bonne dose de mysticisme (cf. les références faites à la loge maçonnique par le biais de William Gull) et de conspirationnisme (cf. la conspiration royale). On rencontre notamment des personnages célèbres tels la Reine Victoria, Oscar Wilde, Frederick Treves (médecin extraordinaire de la Reine) et John Merrick (Elephant Man) ainsi que tous les acteurs impliqués dans l'affaire comme le médecin William Gull, le chef de police Frederick Abberline, Walter Sickert, John Druitt, le prince Albert Victor, ou encore le médium Robert Lees. Preuve probante de l'imagination prolifique et diabolique d'Alan Moore, From Hell livre une version machiavélique de l'affaire du Tueur de Whitechapel...
Indéniablement sombre et violent, le scénario déroulé par Alan Moore ne manque pas d'emporter son lecteur. Les graphismes noir et blanc d'Eddie Campbell ainsi que son coup de crayon tantôt précis, tantôt torturé, sont parfaitement adaptés aux intentions du scénariste : le travail de recherche documentaire, manisfestement méticuleux, offre un résultat des plus réalistes et certaines scènes sont d'une brutalité insoutenable mais c'est justement cela qui fait le génie de cette grandiose bande-dessinée. Que le véritable coupable des meurtres de Whitechapel soit démasqué ou non, peu importe : ce qui fait le succès de ce roman graphique réside véritablement dans son scénario et son traitement graphique. On notera par-ci, par-là quelques clins d'oeil à notre société moderne que j'ai trouvé originaux. A vous de les retrouver. Pour conclure, la lecture de From Hell n'est assurément pas recommandée à tout lecteur mais il s'agit bien là d'un chef d'oeuvre incontournable à lire et à relire...
On notera par ailleurs en fin d'ouvrage de nombreuses annotations aux chapitres de la bande-dessinée. Ils apportent sensiblement de précieuses informations bibliographiques et justifient les choix opérés par Alan Moore pour son intrigue. Personnellement, j'ai trouvé cette partie digne d'intérêt même si elle nécessite une relecture plus poussée des 575 p. de l'ouvrage. Parmi les références citées et recommandées par le scénariste, on remarquera d'ailleurs que l'auteur s'est pour beaucoup appuyé sur le travail de Stephen Knight JtR : The final solution. Voilà peut-être une nouvelle piste de lecture qui nous en dira probablement plus sur le processus de construction de l'oeuvre de Moore ? Si j'en ai l'occasion, je me pencherai sur ce titre.
Enfin, malgré les sources innombrables sur le sujet, je recommande la lecture de l'article suivant : http://www.tueursenserie.org/spip.php?article8&artpage=1-2 sur le site Tueurs en série, site comme son nom l'indique, est spécialisé sur les serial killers. Je le trouve bien documenté. De plus, il propose en fin d'article une bilbiographie commentée sur différents ouvrages traitant du sujet. Passionnant.