"Dans la bande dessinée de Gainsbourg, c'est très pornographique et dans le film non. Je ne crois pas que c'était de la pudeur. Je déteste ces idées idiotes « un film adapté d'une bd ». Quand on fabrique soi-même les deux, il s'agit de la même œuvre. Je ne sais pas écrire pour un jeu vidéo, alors ma façon d'atteindre une non-linéarité qui me rappelle celle des jeux Rock Star consiste à œuvrer en même temps sous la forme de séquences dessinées, de propositions dactylographiées et de travail de comédien. C'est selon cette méthode, à mes yeux, que j'évite de me perdre. La pire chose qui pourrait m'arriver serait de perdre mon dessin. J'ai besoin de conserver ce mode d'écriture emberlificoté au centre duquel trône le dessin. J'ai besoin aussi, qu'on ne considère pas comme du « making-of » ou comme un reliquat d'enfance, ou comme du marketing, mon envie d'écrire en bandes dessinées, même quand je prépare un film. J'ai été assez atterré que personne ne voie le gros livre de Gainsbourg comme un ouvrage de bandes dessinées. Si on l'ouvre aujourd'hui, loin du battage de la sortie du film, et si on le relit, je crois vraiment qu'on peut le recevoir comme le troisième volume de Pascin, puisque Pascin était Gainsbourg depuis toujours." Joann Sfar
Une plongée supplémentaire dans l'univers de Joann Sfar qui ne s'avère pourtant pas inutile. Comme il a pu le préciser, ce serait une erreur de considérer cette œuvre comme un pur produit marketing, bien qu'elle ait profité de la sortie du film pour s'exhiber fièrement dans les magasins.
Ce livre se présente comme un complément par rapport au film, ils forment un tout. Il nous permet de mieux saisir le personnage de Gainsbourg et son univers, fantasmés par Joann Sfar. C'est une introspection dans le monde de l'auteur, plus accentué encore par les dessins plutôt expressionnistes. Cette œuvre nous permet aussi de mieux comprendre l'intérêt de certaines scènes, leurs enjeux et de connaître les idées originelles qui les a façonnées. Elle est intimiste, nous sommes plus proches de la réalisation du film, nous nous trouvons entre les coulisses et la scène.
Je pense, tout comme Joann Sfar, que ce livre peut aussi être lu sans lien avec le film et ainsi constituer l'histoire de Gainsbourg (pas celle de Lucien Ginzburg, mais plutôt celle du symbole) un personnage tout à fait tragique. La "BD" ne perd ainsi pas sa force, mais, au contraire, elle en gagne. Lire le livre sans que certaines scènes ne nous évoquent des passages du film semble être beaucoup plus intéressant et fort. On sent des résidus de préparation au film, comme si le travail était en train de se faire et ne se présentait pas achevé sous nos yeux, mais la "BD" n'en perd pas pour autant en profondeur et se trouve plus proche du rêve que le film (déjà très onirique en lui-même).
"Ceci n'est pas un film. Il ne s'agit pas non plus d'une bande-dessinée et je ne crois pas qu'on puisse appeler tout ça un scénario. Nous rassemblons dans le présent volume une sélection de dessins issus des quarante carnets qui m'ont accompagné tout au long du projet Gainsbourg. Ce sont principalement des dessins d'écriture." Joann Sfar
Cette citation confirme cette position bâtarde de l'œuvre et souligne l'importance de l'image dans le film Gainsbourg vie héroïque, au-delà de l'écriture textuelle. Ce livre n'est pas une BD au sens traditionnel, mais gagne à être lu comme tel.
C'est coloré, c'est beau, c'est drôle. A conseiller aux amoureux de Sfar, de Gainsbourg vie héroïque et de BD. Pas accessible à tous je le crains
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