Mais si, n'as-tu donc pas vu que c'est génial ?
Après un défouloir rock des meilleurs crus intitulé "J'accuse", à la pochette polémique à souhait, Saez revient plus fort que jamais avec ce triple album. Maturité est le maître mot de cette petite merveille, à ce jour la plus aboutie de la discographie de cet artiste plein de talent.
Exit la langueur d'un triple album BO pour suicide collectif, oui on est ici loin de Paris-Varsovie-L'Alhambra ; l'album est "écoutable", et j'ajouterais qu'il s'écoute même avec plaisir (sauf pour les éternels réticents face à la voix de Damien).
Le premier album, "Les Echoués", est le plus étrange. La chanson "Betty" nous abreuve de paroles délicieuses. On jouit sous le flot des mots. On jouit lorsque la guitare saturée accompagne l'acmé de l'émotion contenue dans ce chant débridé. Coup de cœur pour la chanson "Marie" déjà jouée en live, mais ici accompagnée d'un orchestre surprenant qui nous emmène vers un final entêtant. A son écoute on ne peut s'empêcher de penser à "Ces gens-là" de Brel. Car oui, il y a du Brel dans ce triple album, la voix de notre Damien aime donner de l'émotion, aime s'envoler dans des fureurs lyriques, et elle le fait d'une façon bien plus convaincante que dans God Blesse et autres Jours Etranges balayés loin loin derrière. On clôt cette seconde partie avec "A nos amours". On pense direct à "A ton étoile" de Noir Désir face à la récurrence des mots du titre. C'est une montée en puissance classique mais plutôt efficace. L'émotion est là.
Le deuxième album, "Sur les quais", est plus rocknroll. On commence avec "Marianne", morceau énergique à souhait et bien bien politisé (Marianne c'est bien évidemment le symbole républicain). Ca sent le "J'accuse"... Oui mais on ne s'arrête pas là. Il n'y a pas que du politique et du "punkisant". "Sur le quai", bien entrainant et aux paroles plus personnelles est mon coup de cœur numéro 2. Des cuivres comme sur Debbie, des paroles plus personnelles avec un Damien qui se parle à lui-même et qui s'emballe avec des paroles d'une qualité toujours remarquable. "Planche à roulettes" nous présente un côté plus "fun" avec un riff très western. C'est accrocheur. Allez savoir pourquoi, aux premières notes je n'ai pu m'empêcher de penser au groupe Dionysos.
Le dernier volet de ce triptyque, "Messine", est le plus poussé. "Thèmes quais de Seine" : une intro bluffante de sensibilité, avec un piano mélodieux qui nous entraîne lentement vers un orchestre puissant. Ca fait musique de vieux film. Suit l'étonnant et incroyable "Aux Encres de nos amours", aux paroles délectables et au tango final enivrant. Coup de cœur de cet album. On se laisse prendre par cette mélodie portée par du piano et du violon et cette voix que les plus réticents trouveront, je l'espère, moins irritante qu'à son habitude. On se laisse bouleverser par la rage finale. Un exemple parfait de la maturité évoquée précédemment. "Les Magnifiques", à la mélodie entrainante, sent plus la chanson française. Ca sonne aussi un peu Brel avec ce flot de mots mis en valeur par un chant expressionniste. On appréciera aussi la montée en puissance avec l'apogée finale tout en orchestre.
Bref, un vrai bijou. J'ai fait l'impasse sur les autres morceaux, non pas qu'ils n'aient pas ou peu d'intérêt (bien au contraire, rien n'est à jeter), mais j'ai préféré présenter la crème de la crème selon moi. Que de qualités pour cet album. Je reste séduit par les paroles gorgées de mélodie, de ces paroles qui bercent, de ces paroles incantatoires qui s'incrustent dans le crâne. Parfois, on s'en fout de leur signification, on veut juste les entendre, les sentir couler dans son oreille. Et les défauts me demandera-t-on ? Eh bien, je dirais que Saez ne s'est pas calmé sur ses tics de langage, que les "mon amour", par exemple, fusent à toutes les sauces tout au long du triple album. Mais ça ne m'empêche en rien d'apprécier cette merveille. Si vous en voyez d'autres, faites-m'en part !
Saez s'améliore toujours plus. C'est nous laisser d'heureuses perspectives sur son avenir artistique...