Thorgal a quelques menus problèmes d'identité et en profite pour gagner en profondeur psychologique. C'était une bonne idée de le plonger dans les affres de l'amnésie et de le laisser embobiner par cette punaise de Kriss de Valnor. Total, il a renié tout ce qu'il était - et qui nous exaspérait un peu par son angélisme entêté. Et le voilà livré à des conflits moraux délectables, et bien déterminé à retrouver son nom. Au final, je passe sur l'intrigue rondement menée, comme toujours, pour arriver à la conclusion que même un homme éreinté par un destin contraire et des dieux cruels ne parvient pas à occuper une position moins enviable dans la société viking que la plus choyée des femmes. Et c'est là l'un des intérêts majeurs des aventures de ce guerrier sans peur et un peu moins sans reproches qu'avant : ne pas négliger la condition de ces figurantes qu'étaient condamnées à être les femmes dans une société où les relations sociales étaient basées sur la violence. Étaient ? C'est à voir. En tout cas, les héroïnes de la saga, l'indomptable Kriss en tête, souffrent toutes de la domination masculine et, si on les écoute bien, elles l'expriment en des termes plutôt intéressants. Les stratégies que les personnages féminins déploient pour s'assurer la protection d'un homme - et de fait assurer leur subsistance - tissent une trame complexe qui conditionne directement le destin de Thorgal, lequel a le bon goût de ne jamais rester insensible à leur détresse. Au final, l'impact de ces frêles créatures est au moins aussi important que celui des caprices d'Odin. Ça n'est pas si mal.