Avec Gen d’Hiroshima, tome 1 (1984), Keiji Nakazawa nous offre un témoignage aussi brut que poignant sur l’horreur de la bombe atomique. Mais ne vous attendez pas à une lecture tranquille : ce manga vous attrape, vous secoue, et vous plonge dans un quotidien où la survie est un défi constant. C’est un récit qui fait mal, mais qui brille par sa capacité à trouver des éclats d’humanité dans l’obscurité la plus totale.
L’histoire suit Gen Nakaoka, un garçon au caractère bien trempé, vivant à Hiroshima avec sa famille dans les derniers jours de la Seconde Guerre mondiale. Gen est un héros attachant, débordant d’énergie et de rébellion contre les injustices de son monde. Et ce monde, justement, est un champ de ruines, même avant que l’apocalypse ne frappe. La pauvreté, la faim, et la propagande militariste forment un décor déjà terrifiant… avant que la lumière aveuglante de la bombe ne transforme tout en cauchemar.
Nakazawa frappe fort, sans détour ni fioriture. La représentation de l’explosion atomique et de ses conséquences est à la fois graphique et déchirante, une vision qui reste gravée bien après avoir refermé le livre. Mais ce qui rend ce manga unique, c’est son équilibre entre la tragédie et une incroyable volonté de vivre. Gen refuse de se laisser abattre, et sa colère, sa résilience, et son humour noir en font une figure inoubliable.
Visuellement, le style de Nakazawa est surprenant : un mélange de simplicité presque naïve et de détails horrifiques saisissants. Cette juxtaposition donne au récit une intensité particulière, où le dessin dépouillé accentue la brutalité des événements. Cependant, ce style peut parfois dérouter les lecteurs habitués à des œuvres plus polies ou esthétiques.
Narrativement, le manga jongle entre un rythme haletant et des moments de pause nécessaires pour digérer l’ampleur de la tragédie. Les interactions entre Gen et sa famille, bien que parfois pleines de disputes, sont le cœur battant de l’histoire, rappelant que même dans le chaos, l’amour et la solidarité peuvent persister. Mais attention : Gen d’Hiroshima ne vous caresse jamais dans le sens du poil. C’est une œuvre qui vous force à regarder en face les pires aspects de l’humanité.
Le seul bémol qu’on pourrait pointer, c’est que le ton peut parfois sembler didactique. Nakazawa, lui-même survivant de la bombe, utilise le récit pour transmettre un message clair et puissant, mais cela peut donner une impression de répétition dans certains dialogues ou scènes.
En résumé, Gen d’Hiroshima, tome 1 est bien plus qu’un manga : c’est un cri, une leçon, et une œuvre qui transcende son médium. Keiji Nakazawa livre ici un témoignage bouleversant, sans concession, mais rempli d’une humanité qui refuse de s’éteindre. Une lecture qui secoue l’âme, et qui rappelle que, même face à l’inimaginable, la vie continue de se battre pour éclore.