Daniel Clowes, dessinateur et scénariste de ce one-shot, disait qu'il s'était inspiré de ses "potes de fac" pour créer ses personnages d'Enid et Rebecca, meilleures amies fraîchement diplômées du lycée. Elles se voient contrainte de faire face à l'évidence qu'elles sont en train de devenir des adultes. Cyniques et de surcroît, intelligentes; elles passent leur journée à trainer dans leur petite ville, critiquant absolument TOUT, du client dans le diner jusqu'à elles-mêmes, faisant quasiment le procès de la culture populaire américaine.
Tout d'abord, à propos du graphisme pur, que je trouve bien représentant bien son époque des années 1990 (avec la popularité croissante des hebdomadaires satyriques Mad Magazine et de Deadline); Un style qui joue entre la limite de la caricature et le réalisme (oui, dit comme ça, cela paraît impossible mais ça l'est, haha): bien sympathique et plaisant, car habitués aujourd'hui à un style plus lisse et "propre" dans la Bd et comics (on a abandonné même la ligne claire), le trait a plus de profondeur et la couleur (le nom de l'artiste-coloriste m'échappe) donne une texture au dessin.
Quant au scénario et l'écriture des personnages, la narration courte peut perturber mais après mûres réflexions, cela raconte une période charnière, très courte de la vie que chacun rencontre à la fin de l'adolescence et le début de l'âge adulte, une sorte de "crise existentielle" où on doit reconnaître qu'il faut quitter définitivement l'insouciance et le Nihilisme de façade:
Rebecca parvient à se faire à l'idée mais pas Enid.
Il n'y a pas d'évènements très perturbants provocant un renversement de la narration mais l'arc des deux protagonistes est très bien amené, en finesse par le biais de rencontre et de flash-backs. Ce nous donne une fin ouverte, assez déroutante pour le lecteur qui s'est investi assez rapidement. Aussi, c'est un roman graphique (appelons un chat, un chat) qui représente bien le désenchantement de la fin des années 1990, période de cynisme et désillusions totales des valeurs des 30 Glorieuses et de l'American way of life.
J'ai vraiment apprécié de voir que d'autres oeuvres graphiques puisse nous questionner autant.
Sans faire de mauvaise publicité, je conseille la version collector avec des planches et dessins inédits.
Je vous souhaite une bonne lecture et attendant vos avis divers et variés.