John Butler Trio - Better Than
Recueil de six histoires de longueurs inégales, la plus courte ne faisant que deux pages, Goggles de Tetsuya Toyoda est un magnifique ensemble de nouvelles graphiques formant un ensemble du plus bel effet, faisant passer le lecteur du rire aux larmes en l'espace d'une planche.
En dehors des recommandations d'un éclaireur avisé - sûrement, qui d'autre - c'est la sobriété de la couverture et la simplicité de sa composition, l'effet blanc sur bleu et cette moto occupant l'intégralité de cette couverture grand format qui m'a poussé à commander puis à dévorer à même la librairie ce manga atypique.
Il faut dire que l'auteur qui m'était jusqu'alors inconnu s'était déjà fait remarquer à Angoulême avec son Undercurrent, poussant l'éditeur Lattitudes à publier son premier recueil dans une superbe édition de 228 pages.
La première impression de maîtrise formelle ne se dément pas au fil de la lecture, le soin apporté au dessin, à l'encrage fait honneur au mangaka. Le travail de Tayoda s'apprécie à chaque case, que ce soit les scènes de journées, les instants comiques bien retranscrits ou l'intensité dramatique et la qualité de la mise en scène - je pense surtout ici à la nouvelle Goggles qui donne son titre au recueil.
Le découpage n'est pas excentrique, on pourrait le penser académique mais il convient parfaitement au genre développé ici, ne mettant pas l'accent sur une action débridée et privilégiant la contemplation. On notera que certaines histoires se découpent en cases larges, c'est appréciable d'autant que le trait est agréable à l’œil.
S'ouvrant sur une histoire plutôt comique qui mêle surnaturelle et réalité (Slider) particulièrement amusante, la nouvelle suivante joue dans un registre plus dramatique et réaliste en nous collant aux basques d'un détective chargé de retrouver pour le compte d'une jeune femme un vieux voisin et ami de la famille. Goggles, l'histoire principale nous immisce dans la vie de deux "colocataires", un quadra et un jeunot de 24 ans qui vont accueillir une jeune fille mutique portant obstinément une paire de lunette de moto et une ample chemise sale.
Aller voir la mer, nouvelle contemplative, développe encore l'univers de cette histoire. Je vous laisse découvrir les deux dernières par vous-mêmes, vous ménageant ainsi un peu de suspens.
Se dégage de cet ensemble un génie certain dans la caractérisation de ses personnages qui sont profondément humain, sensibles, faibles et forts à la fois. Tetsuya Toyoda, en funambule aguerri, trouve un équilibre adroit entre humour et drame et construit autour de ses protagonistes un écrin délicat et fragile entre brisures et instants de bonheur.
La vie, tout simplement, et j'ai aimé.