Goldorak est ma madeleine.
Ce sentiment de voir des personnages de mon enfance rejaillir, ainsi que ce robot, que j'aimais tant dessiner, moi aussi, de manière obsessionnelle autour de mes huit ans, a fait bondir mon coeur. Merci à mes enfants pour le cadeau. J'étais très touché.
Je feuillette, je feuillette. Jusque là tout va bien. Et puis ensuite, je commets un faux pas, je ne sais pas ce qui me prend: je me mets à lire. Premier bug pour un coup de théâtre qui n'en est pas un : à la manière romance américaine, une fille se présente: "professeur Vénusia"! Elle semble se la péter, alors qu'on sent plus loin, qu'on côtoie un personnage timoré. Là, j'ai l'intuition que ça ne va pas s'arranger.
Graphismes: C'est maîtrisé, bien entendu. Mais il n'y a aucune audace. Je trouve même que les planches d'essais que l'on trouve à la fin de l'ouvrage, ont plus de force, de sincérité, en dépit des défauts. Est-ce la faute à Kana ?
L'écriture des dialogues est décevante au possible. Je ne comprends pas. En quarante ans, on se serait attendu à ce que le scénariste, la correctrice et la compagnie se soient nourris d'un peu de littérature (ex: Vénusia: "c'est à nous tous de SE battre contre ce monstre". Aïe! Ca pique un peu). Je vous rassure, Ledroit s'est entouré aussi d'une mauvaise plume pour écrire Wika. Et je vous épargne toutes les petites phrases alambiquées, grandiloquentes comme on en trouve dans les Marvel ou la mauvaise littérature d'Héroic-Fantasy. Même si on fait de la bd, on n'apprend à écrire qu'avec la littérature. La bonne, bien sûr. A croire que Goldorak ne le méritait pas.
A cinq, ces créateurs n'ont pas su nous raconter une histoire. Actarus se trouve drogué, au secret, tel un Mulder dans un épisode d'Xfiles (déjà vu).
Le gouvernement croit Procyon quand il leur a simplement dit qu'il avait détruit les trois vaisseaux de la patrouille des aigles. Tiens donc? Juste comme ça! Mais ce genre de raccourci tue la narration. Autant ne rien dire ; autant ne pas mettre en scène le gouvernement. Ca donne un côté patriotisme us usé jusqu'à la corne. Et Goldorak dans tout ça ? Caché juste dans le lac sous le Centre! C'est un peu léger comme planque avisée quand on sait que les autorités (encore elles, mais quel ennui hollywoodien ces troufions et ces hélicos !) veulent s'emparer de Goldorak (l'avidité des gouvernements: déjà vu aussi).
L'exemple de Banta pris en otage est une scène sans intérêt, surtout que le secret dont il perçoit les messes basses, ne lui octroie pas plus de place dans le récit. Et patati et patata. Peu de suite dans les idées, en bref.
Pourtant il y avait quelque chose de beau à réaliser dans la tentative de paix avec les survivants de Véga (dont je ne comprends pas qu'ils se soient planqués x temps derrière la lune). C'est tout à fait dans la nature d'Actarus, à la base, d'être un être de hautes valeurs, et d'oeuvrer pour la paix plutôt que la guerre (souvenir de ses méditations le soir avec sa guitare). Mais là encore le récit marche mal. Il est traité par dessus la jambe.
Et puis que dire de tant de pages pour si peu de densité dans les portraits!
Ca fanfaronne à plat, car on ne rit pas. Pourquoi n'avoir pas ciselé des répliques qui nous auraient dit qui sont devenus Alcor, Phénicia ou Vénusia. C'est un processus crucial que de donner son langage à chaque personnage, sans pour autant creuser outrancièrement la psychologie.
... Allez! Là, je fais la pause!
Je m'acharne, je m'acharne, me direz-vous.
Mais c'est vraiment décevant.
Et toute la sympathie que j'ai pour l'équipe qui a réussi le prodige d'obtenir les droits de Go Nagaï, n'y change rien. Cette bd ne va pas. On a eu tant d'oeuvres puissantes ces dernières décennies dans le genre sf et robots géants. Je ne citerai que l'inépuisable Evangelion. J'aurais aimé être surpris, étonné, secoué. Ben, oui: je n'ai plus neuf ans !