Grand livre. Je pourrais m'arrêter là.
Je n'ai jamais pensé qu'un livre doit être écrit pour le lecteur paresseux. Stefansson fait partie de ces auteurs qui se méritent et qui ne disparaîtront jamais. Et l'Islande aussi se mérite. Ce livre est un défi à la lecture, mais on en sort grandi. C'est la raison d'être des arts et de la littérature. Grandir, aller à la rencontre de soi.
J’ai eu le sentiment de lire un poème, un long chant, jalonné de refrains, en échos avec les musiques qu’il nous laisse percevoir, Beatles, Dilan, Billie Holliday.
J’ai eu le sentiment de lire une autre saga Islandaise. Une saga sur les destins de gens simples, qui se suivent et s’entrecroisent, et nous laissent à penser, peut-être, que toute existence est importante et vaut bien un livre de l’ampleur de celui-ci.
Les histoires ne finissent jamais, car, même quand l’auteur nous désigne une pierre tombale, ou nous annonce une mort, nous retrouvons plus loin une Guđriđur disparue qui a encore des choses à nous dire, ou un Skulí évanoui, etc.
Les êtres ne meurent jamais vraiment dans le livre, tant qu’on peut raconter leurs histoires, et les enrichir d’une lettre inopinée, d’une photo qui met des mois à parvenir.
Dans ce livre toutes les motivations sont liés à l’amour (doit-on être fidèle à l’autre ou à l’amour ?). Tout y est aussi Tragedy. Je sais bien que Jon Kalmann Stefansson voulait nous épargner les Bee-Gees dans la longue audiothèque qui jalonne le roman, mais avouons quand même :
Tragedy
When the feeling’s gone and you can’t go on
It’s tragedy
When the morning cries and you don’t know why
It’s hard to bear
With no one to love, you are goin’ nowhere
J’ai traversé l’Islande et y ai vécu pendant un siècle tout au long de ma lecture.
La terre islandaise, moins présente que dans la trilogie, est là quand même, comme témoin et messagère. Immense. Elle respire, elle parle aussi à travers les corps et les âmes de ceux qu’elle a fait naître puis forgés.
Roman puissant, qui ne parle pas que de l’âme islandaise, mais de l’âme humaine, digne d’être aimée, même quand elle tâtonne ou s’égare. Un peu Dostoievski, quoi!
Et bravo à toi Eric Boury de nous avoir rendu une fois de plus la force évocatrice de l’auteur.
« Ecrivez. Et nous n’oublierons pas.
Ecrivez. Et nous ne serons pas oubliés.
Ecrivez. Parce que la mort n’est qu’un simple synonyme d’oubli. ».