Manu Larcenet est un artiste complet. Scénariste talentueux, Larcenet a aussi un fabuleux coup de crayon. Si on prend Blast et qu’on le regarde à 1 mètre, bras bien tendus, le trait paraît grossier, simpliste et sans grand intérêt. Mais si l’on s’approche, que l’on "lit" les cases, Blast vous pète à la gueule. Les expressions de Polza Mancini et des autres personnages parlent d’elles-mêmes. La noirceur des cases est belle et dépasse le travail d’un maître dans le genre, Chabouté (Sorcières, Zoé ou encore Terre Neuvas). Blast n’est pas une BD en noir et blanc. C’est une BD en noir et gris. Et la seule alternative pour en sortir est ce "craquement dans la tête", avec "le son insupportable d’un os qui se casse", ce phénomé que Mancini appelle le Blast.
Pour Mancini, le Blast est une délivrance. C’est sa libération schizophrénique tout en couleurs et en introspection. Les cases où le Bast opère sont remplies de dessins d’enfants (œuvres des enfants de l’auteur, Lilie et Lenni) aux crayons de couleurs. Mancini, cette grasse carcasse, alcoolique, friand de barres chocolatées, a grandi dans la douleur, l’exclusion et les moqueries. La relation avec son père a bridée ses impulsions durant des années, mais celles-ci seront libérées à la mort de celui-ci. Quittant sa vie, sa femme et ses obligations, il décide de devenir clochard. Attention pas SDF hein!
Le SDF subit quand le clochard choisit.
Le travail réalisé sur la nature, les arbres, les animaux tranche avec le paysage urbain composé de simples parallélépipèdes et d’étroites fenêtres. Le lecteur appréciera aussi ces superbes planches pleines pages qui rythment les 204 pages de la BD.
Larcenet m’avait mis une claque avec son Combat ordinaire. Avec Blast, l’auteur va plus loin dans la nature humaine, la déchéance et la psychologie des personnages. Du grand art!