À lire ce premier tome de Blast, ce qui saute aux yeux, c'est que Larcenet semble nourrir de gros complexes vis-à-vis des arts plastiques et de la littérature. D'où cette nouvelle série, qui ne donne plus du tout dans l'humour, et qui, lorsqu'on en feuillette les pages, séduit rapidement. Il y multiplie les cases et les planches, toutes travaillées à l'encre, qui impressionnent par leur joliesse et la dextérité du dessinateur. On est carrément à l'opposé des Cosmonautes du futur, dans lequel il affectionnait un dessin volontairement "moche". Pour parfaire la chose, il a opté pour une narration essentiellement en voix off, dans un phrasé, disons... ampoulé.
Inutile d'y aller par quatre chemins, je trouve que l'album sonne creux de bout en bout. Des cases et planches qui sont certes jolies, mais plus décoratives qu'utiles à la narration, à la pseudo-philosophie dont nous rebat les oreilles l'anti-héros, en passant par les critique et morale assez faciles (je n'imaginais pas que Larcenet oserait un truc aussi éculé qu'une référence à Star Academy), je me suis ennuyée, ennuyée, et ennuyée. Non seulement on va de banalité en banalité énoncées sans vergogne - banalités censées nous toucher au cœur et nous faire réfléchir sur la société dans laquelle nous vivons -, mais on peut également être étonné du peu d'originalité dont fait preuve Larcenet dans sa conception de l'album. On s'attendrait logiquement, de la part de quelqu'un qui travaille dans la BD depuis de nombreuses années et qui a contribué à son renouvellement en France, à une grande maîtrise du médium. Or, pas d'innovation dans le découpage. Et, surtout, pas de travail en profondeur sur la mise en page, alors que le sujet, qui repose sur le basculement d'un individu dans la marginalité et ce qu'on appelle en général la maladie mentale, appelle justement une mise en pages hors-normes. C'est un peu comme si Little Nemo avait sagement circulé de case en case, selon un schéma des plus classiques : où aurait été l'intérêt, alors, des strips de Winsor Mc Cay ? Le tome 1 de Blast est de plus verbeux, à cause de la voix off surexploitée et des tournures de phrases emphatiques. C'est presque, ou même carrément prétentieux, sous prétexte d'être ambitieux.
Comme ce n'est que le premier tome d'une série, je vais continuer avec les suivants, histoire de savoir où Larcenet nous emmène. Comme je l'annonçais en début d'article, j'ai la sensation qu'il a cherché ici à se faire une place qui le hausserait au niveau de la peinture et de la littérature, en utilisant leurs moyens (un beau dessin allié à une narration en voix off omniprésente) au lieu de se recentrer sur les outils qui sont propres à la bande dessinée. Je salue l'effort que Larcenet effectue pour se renouveler, mais il pouvait se tourner carrément vers le dessin, la peinture ou autre - et ça m'intéresserait vraiment de voir ça ; ou il pouvait tout simplement se renouveler de façon plus radicale à l'intérieur-même du medium qu'est la bande dessinée. La BD n'a besoin de ressembler à aucun autre art pour être légitime. C'est un art à part entière, avec ses spécificités. Pourquoi croire que l'herbe est forcément plus verte ailleurs ?