Gunsmith Cats par Ninesisters

Gunsmith Cats est un symbole : celui de la production manga du début des années 90. Cela vient avant tout de son dessin (aujourd’hui invendable), fait de personnages féminins plantureux mais affublés d’étranges corps de gamines. Il s’agit à n’en pas douter d’un classique de l’époque – puisque nous en parlons encore à l’heure actuelle – mais cela n’en fait pas nécessairement un indispensable.

Pour tout dire, ses particularités ne se limitent pas à son graphisme. Déjà, car il fait partie de ses manga qui se déroulent loin de toute réalité japonaise : même si un ou deux personnages (au mieux secondaires) viennent effectivement du Pays du Soleil Levant, il ne s’agit en rien d’un élément important du scénario. L’auteur a choisi Chicago comme toile de fond pour son récit, sans doute car un cadre américain lui permet de parler plus ouvertement d’armes à feu et de grosses cylindrées, mais aussi d’avoir des héroïnes travaillant comme chasseuses de primes. Toutefois, il évite autant que possible de nous présenter une Amérique bariolée et fantasmée : tout cela reste étonnamment crédible.

Mais c’est surtout dans son ton que ce manga surprend, puisque Kenichi Sonoda n’hésite pas à parsemer son récit de cadavres, et à aborder des sujets graves voire carrément glauques. Un exemple ? J’ai mentionné tantôt le physique de gamine des protagonistes, et dans le cas de Mey, c’est tout sauf un hasard : élevée dans une maison close, elle apprit dès son plus jeune âge des techniques sophistiquées pour provoquer l’orgasme chez ses partenaires, et reçut des traitements devant l’empêcher de grandir, afin d’attirer une clientèle bien spécifique. Inutile de vous faire un dessin. Désormais loin de son ancien univers, elle n’a rien perdu de ses talents, et sort avec un homme bien plus âgé qu’elle, dont d’autres protagonistes diront que c’est un « pervers » (puisqu’il couche avec une fille au corps d’enfant).

Ce ne sont pas les histoires de cet acabit qui manquent dans Gunsmith Cats, notamment via le personnage de Goldie, et sa fâcheuse tendance à se constituer un harem d’adolescentes droguées et manipulées, qu’elle pousse dans un premier temps à assassiner leurs parents. Miam.
C’est quelque chose dont il faut réellement être conscient avant d’entamer sa lecture. A première vue, il s’agit d’un bon vieux manga d’action, prenant et bien écrit, avec des filles, des flingues, des gangsters, et de grosses voitures qui font vroum vroum. Mais c’est aussi un titre à la sexualité marquée, glauque, voire carrément vicieux. Un mélange entre un titre bourrin et primaire, purement divertissant, et une plongée dans la facette la plus moche de l’être humain.

Malgré son apparence d’inoffensive Série B, Gunsmith Cats n’est donc certainement pas un manga à mettre entre toutes les mains. Il s’agirait même, souvent, d’une lecture difficile. Pas forcément désagréable, mais déstabilisante. En tout cas foncièrement différente de la majorité des manga publiés en France, ce qui serait plutôt une qualité. Même si son côté divertissant ne fonctionne pas toujours à plein, certains arcs peinant à proposer des enjeux captivants et un rythme suffisamment enlevé.
Tout cela fait de Gunsmith Cats un manga qu’il me serait délicat de recommander. Il n’est certainement pas mauvais, mais entre ses quelques imperfections, sa violence autant psychologique que physique, et son côté malsain, il demande au lecteur de l’aborder en connaissance de cause.