Ici, l’auteur accordant une place plus importante au touchant et à l’émouvant, les récits au sens propre se raréfient, en même temps que certaines séquences s’étendent sur trois ou quatre planches – procédé presque absent d’Histoires de mes 10 ans. Du coup, on perd à la fois en unité et en pessimisme : si tout n’est pas rose dans le propos, la noirceur y est moindre.
L’héroïne d’Histoires de mes 11 ans apprend comment on fait les bébés, en accueille un dans sa famille, se fait des amoureux, change de coiffure, découvre les sorties en ville avec sa meilleure amie – mais continue à aimer son papa. En gros, la « pré-adolescence » fait son apparition : par rapport au premier, ce deuxième volume est relativement moins social, comme si la psychologie servait désormais de moteur à ces Cahiers d’Esther.
Il n’est donc pas étonnant que les réflexions psychologiques soient de plus en plus nombreuses et, comme tout cela continue d’être vu et raconté à hauteur d’enfant, il est heureux qu’elles soient principalement formulées dans le langage d’une bonne élève de CM2, influencée par ce que le bruit du temps propose de formules toutes faites et d’approximations. D’ailleurs, l’évolution d’un volume à l’autre est aussi l’évolution d’une langue ; Riad Sattouf est très fort pour retranscrire les mots de ses personnages, jusque dans leur dimension sonore – la Vie secrète des jeunes restant à mon sens une référence sur ce point.
J’expliquais dans ma critique du premier album en quoi il dressait le portrait d’une génération bouffée par le consumérisme et le star system : à ces principes destructeurs, j’aurais pu ajouter l’approche de la sexualité. Une approche… comment dire ? « virtuelle » ? « numérique » ? chargée d’une grande violence symbolique ? Elle était avant tout ce qui distinguait garçons et filles. La sexualité continue à fournir une partie des thèmes du deuxième volume, mais avec un angle d’approche différent. Elle est quelque chose d’intime et de mystérieux – ce qui va logiquement de pair avec la dimension psychologique d’Histoires de mes 11 ans.
Le troisième volume correspondra à l’année de sixième d’Esther. Ça devrait rappeler de bons souvenirs à qui a aimé Retour au collège.