Pour les adeptes d'univers original...
Edika est un auteur que j’ai découvert lors de mon adolescence. J’ai été attiré vers son œuvre par les courbes excessives de ses femmes très légèrement vêtues. Néanmoins, j’y avais trouvé un ton décalé et absurde que j’avais apprécié. C’est pourquoi, dès que je tombais sur un tome dans une bibliothèque, j’avais souvent tendance à m’y plonger. Malgré ces agréables souvenirs, je n’ai jamais pris le temps d’en acquérir un. C’est en lisant une critique élogieuse dans une revue à propos du dernier opus en date que j’ai décidé de retrouver cet écrivain.
Je me suis donc offert le trente-cinquième bouquin né de sa plume. Il s’intitule « Histoires obliques ». Sa parution date du seize octobre dernier. Il est édité chez Fluide Glacial et se compose d’une grosse soixantaine de pages. Son prix est treize euros. La couverture est travaillée et réussie. Sur un fond rouge, on découvre Edika en train de dessiner. Ses personnages sortent de sa planche et l’escaladent jusqu’à lui renverser un encrier sur le visage. Cette illustration est pleine de détails qui incitent à l’étudier en détail. C’est relativement rare que je m’attarde autant sur une couverture. C’est une qualité à mettre au bénéfice d’Edika.
L’album se décompose en neuf chapitres relativement indépendants. Le plus court s’étale sur quatre pages et le plus long sur une dizaine. J’ai remarqué une particularité originale. Chaque histoire est alternativement colorisée ou noir et blanc. J’avais avoir été perturbé par cette immersion de la couleur tant mes souvenirs associés Edika à un noir et blanc très « Fluide Glacial ».
Les différents scénarios sont centrés sur des lieux et des personnages très différents : un clochard dans la rue, deux grands-parents dans une maternité, un professeur dans une salle de classe, un monde de science-fiction et j’en passe… L’attrait de cette diversité fait que chaque nouveau départ relance la curiosité. La découverte de nouveaux protagonistes et de nouveaux enjeux incite à se concentrer à nouveau pleinement sur la lecture. Le bémol de cette structure narrative est qu’elle accentue les variations de qualité entre les différentes intrigues. Je vous avoue que toutes les planches ne m’ont pas captivé de la même manière. Certaines trames m’ont presque fait bailler, d’autres m’ont offerts bon nombres de surprises et de rebondissements. Cacher les défauts dans un tel ouvrage nécessite de présenter des histoires d’une égale qualité. Ce n’est pas le cas ici.
Même si les points de départ sont très différents, chaque histoire est habitée par une même atmosphère. Dans ce domaine, Edika n’a pas beaucoup changé. Sa recette traditionnelle est toujours d’actualité. Ce n’est pas une mauvaise chose si elle est exécutée avec talent et réussite. L’ambiance est quasiment absurde. La narration oscille bien souvent entre la planche dessinée et la réalité de son auteur. Edika arrive assez bien à jouer avec cette mise en abîme. Elle génère d’ailleurs bien souvent une évolution des événements imprévisibles et un dénouement que le lecteur ne pouvait pas anticiper. Malgré tout, cette navigation délurée n’est pas une réussite dans tous les chapitres. Certains sont lourds et ont eu tendance à me sortir de ma lecture. A certains moments, j’ai eu un sentiment « too much » en découvrant certains événements. L’absurde est dur à doser. Certaines histoires sont remarquablement bien dosées dans ce domaine et se savoure avec appétit et plaisir. Pour d’autres, j’ai eu le sentiment d’un mauvais dosage des ingrédients.
Un des axes forts du style de l’auteur est sa capacité à générer des textes denses, drôles et décalés. Ils alternent les répliques courtes et les discours plus longs. Il arrive à passer de cases quasiment muettes à d’autres offrant de longues démonstrations magistrales. Certaines sont habilement écrites, d’autres sont plus lourdes à digérer. J’ai retrouvé dans les dialogues les mêmes défauts que j’ai évoqués précédemment. Peut-être d’ailleurs que tout cela est lié.
L’aspect que j’ai eu le plus de plaisir à retrouver est le trait d’Edika. Je suis assez fan de son style et de ses dessins. Il a une capacité certaine à faire naître des personnages et des expressions qui participent de manière importante à l’atmosphère propre à ses albums. Dans ce domaine, j’ai préféré les planches en noir ou blanc que les colorées. En effet, le noir et blanc permet à l’auteur de parsemer davantage de détails dans ses cases et m’a incité ainsi à m’y attarder davantage.
Au final, « Histoires obliques » est assez inégal. J’ai espéré être transporté chaque fois que je découvrais un enchainement de vannes bien dosés. Hélas, la qualité subit trop de hauts et de bas pour totalement m’avoir conquis. C’est dommage. J’ai pris plaisir à retrouver l’univers d’Edika mais n’ai pas reconnu mes souvenirs de jeunesse. Ai-je les idéalisés ou cet opus est-il plus faible que les autres ? Peut-être faudra-t-il que j’offre une nouvelle à cet auteur pour répondre à la question…