Icare ou le vol du rêve de Moebius
Du rêve du vol au vol du rêve.
Tout commença en effet par un « rêve de vol » que Moebius parvint à extraire de son propre sommeil. Un rêve à partir duquel il élabora un synopsis puis un scénario. L'histoire d'un bébé qui possède le don de voler, enfant instantanément contrôlé par le pouvoir politique qui désire en faire son instrument. Un scenario très travaillé dont Moebius envisageait une saga en 15 épisodes, pas moins. Au final, après de multiples péripéties, n'est publié qu'un one shot réalisé et adapté par Taniguchi, et dont il ne reste à mon avis pas grand-chose du projet de Moebius : c'est le « vol du rêve » (c'est moi qui présente les choses ainsi car dans l'entretien qui clôt Icare, Moebius se dit content du résultat, mais on le sent quand même un peu déçu, et on voit mal l'éditeur publier une trop grosse critique, bien qu'il laisse Moebius présenter l'ensemble du projet).
En effet, malgré le talent de Taniguchi qui nous propose notamment de très jolies vues aériennes de Tokyo, Icare est pour moi un album raté, amputé de tout ce qui aurait pu être intéressant dans le scenario initial, sans pour autant que le graphisme, tout à fait correct au demeurant, ne prenne un tant soi peu le relai. Déjà, il n'y a rien sur l'enfance du prodige (son enfance surveillée, comment il a été conçu, ce que devient sa mère, qui est le « général », etc.), et on passe directement du bébé lors de l'accouchement au jeune homme de vingt ans. C'est dommage, mais après tout pourquoi pas. Le problème est que la suite du scenario est faiblarde, en gros, le jeune est amoureux et il voudrait sortir de sa « prison ». Il tente mais il a des matons surarmés à ses basques qui lui compliquent la vie. et... Et c'est tout : une histoire d'une pauvreté navrante, en 280 pages... Alors qu'on a quelques pistes non exploitées et qui nous laissent sur notre faim (exemple : les hommes-éprouvettes) : on dirait un préquel (mais sans suite). Du coup, je trouve l'ensemble bien léger...
Comme le dit Moebius dans l'intéressant entretien avec Numa Sadoul à la fin du manga, ce n'est en effet ici que le « préliminaire » de l'histoire, et encore, un préliminaire dégraissé par rapport au projet de départ, l'histoire développée par Moebius et Jean Annestay allait apparemment beaucoup plus sur la question des mutants, avec un accent beaucoup plus développé sur la sexualité et le côté politique fiction.
Bref, Icare avait tout pour plaire, un titre attractif et des auteurs réputés (Moebius et Taniguchi, nom de dieu !). Mais le résultat est plus que décevant, la faute à un scenario minable et épuré à l'extrême. En dépit de la patte de Taniguchi, le manga est décevant, il se lit vite, comprend de nombreuses pages sans intérêt et propose beaucoup d'actions sans être touchant ou entraîner une quelconque émotion chez le lecteur. Un véritable fiasco.