L’histoire se passe dans un Japon qui aurait adopté une loi de « prospérité nationale » suite à la seconde guerre mondiale, qui consiste concrètement à tuer « au hasard » un jeune sur 1000 pour inséminer une sorte de peur de la mort, et donc de respect de la vie. Et pour cela, on va suivre un fonctionnaire chargé d’annoncer aux « heureux élus » qu’ils vont mourir, et ce 24h auparavant.

Et là est le principal défaut d’Ikigami : il est découpé en deux parties très inégales, et très différentes. D’un côté, celle où l’on suit le fonctionnaire porteur de mauvaises nouvelles, qui représente en quelques sortes le fil rouge de l’histoire, et de l’autre, juste des faits de vie, des gens de tous horizons qui seront touché par le virus, et qui devront donc mourir.

Et si je présente l’histoire du jeune fonctionnaire comme suit (sans spoiler) : « c’est l’histoire de Fujimoto, un fonctionnaire à la botte du parti national, qui semble en fait n’être qu’une façade d’une dictature militaire, et qui sera peu à peu amené à avoir des doutes sur la pertinence du système. Mais attention, la police secrète veille et menace de « rééduquer » les éléments dégénérés de la société. » Remplacez Fujimoto par Winston, et vous avez plus ou moins le script de base de 1984.

Et la filiation avec 1984 se révèle de plus en plus évidente au fil des tomes, mais le manga n’utilise pas pleinement son potentiel. En effet, si le système est décrit comme malsain (incitation à la dénonciation, peine de mort au moindre dérapage verbal, pas de liberté d’expression, etc) quand on suit Fujimoto(ce qui ne représente au final que 10% d’un tome), quand on voit la réalité concrète, celle des citoyens qui vont mourir, ça ne semble pas vraiment différent du Japon actuel.

Et l’on en vient à se demander si tout le côté dystopique n’est pas juste un prétexte mal assumé pour présenter diverses histoires de personnes qui vont mourir, et leur réaction face à leur propre fin.

Cette partie est bien plus soignée, et parvient à être émouvante, malgré sa redondance inévitable. Chaque histoire a la même longueur (plus ou moins 100 pages) et est basée sur le même schéma, à peu de choses près. Concrètement, on suit la vie du condamné avant qu’il n’apprenne la nouvelle, et au moment où quelque chose d’important va se passer dans sa vie, Fujimoto arrive pour lui signifier qu’il va mourir, et là, soit il décide de se venger, soit de faire un beau geste larmoyant, et rideau.

C’est sympathique, parfois intéressant, mais comme ce même schéma est répété ad nauseam sans jamais varier, on finit par s’en lasser. Et le fil rouge que représente l’histoire de Fujimoto ne passionne guère plus, tant celui-ci est fade, inintéressant et détestable au fond (de par son rôle de destructeur de bonheur). Difficile d’avoir de l’empathie pour lui, et au final d’accrocher à son aventure.

Et c’est dommage, parce que vers la fin, son histoire se lance enfin, mais elle est tellement caricaturale, déjà-vue et remplie de twists prévisibles qu’elle ne peut que décevoir, et le manga s’achève donc sur cette note amère : le scénario principal n’avait au final que peu d’intérêt.

Ikigami est donc un manga dystopique plein de promesses, qu’il ne parvient à exaucer, et dont le cœur est donc ces petites histoires plus ou moins larmoyantes, à la fois trop courtes que pour qu’on s’attache vraiment aux personnages, et trop longues par rapport à leur importance dans le récit global. Un paradoxe qui résume bien Ikigami, manga trop ambitieux par rapport à ce qu’il était capable de proposer.
Floax
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le 8 mars 2014

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