Une parodie de la bible par Winshluss ? J'adhère !

Vincent Paronnaud, alias Winshluss est un auteur pour le moins accomplit. Enchaînant les one-shot sulfureux, drôle et provocateur depuis une quinzaine d’année, il est le fer de lances des éditeurs indépendants comme les Requins Marteaux, Cornélius ou L’Association, en plus d’avoir coréalisé Persepolis et Poulet aux Prunes avec Marjane Satrapi, qui lui a par ailleurs un peu volé la vedette pour ces deux films. Avec Pinocchio, il signait un véritable chef-d’œuvre, une version moderne et trash de l’œuvre italienne, qui lui valut le prix du meilleur album à Angoulême en 2009. Considérant sûrement que ce concept ne devait pas s’arrêter en si bon chemin, Winshluss a publié fin 2013 une parodie de la Bible, irrésistible : In God We Trust.

Scénario : cet album met donc en scène les principaux épisodes de la Bible, de la Genèse aux aventures de Moïse, en passant par la vie de Jésus, les rapports avec son père et enfin, le Jugement Dernier. Des histoires foisonnantes d’idées, utilisant son ton décalé et provocateur pour mieux surprendre et faire rire aux détours des pages. Le livre ne manque d’ailleurs pas de fil conducteur, avec St Franky, un moine s’adressant directement au lecteur, introduisant donc les différentes parties de l’histoire. En guise de transition, il nous sert régulièrement des illustrations humoristiques qui font penser à des dessins de presse. Le livre se lit donc plus comme un recueil d’humour que comme une véritable histoire, même si on peut compter sur la présence récurrente de Dieu, débordé de travail et son fils Jésus, en pleine crise d’adolescence.

Dessin : Un style parfaitement maîtrisé. Même si Winshluss change souvent son trait selon les passages, passant de l’épure aux planches plus détaillés sans complexe, il arrive à garder une cohérence graphique étonnante. Avec son style de dessin et son ton décalé et sans concession, on pourrait comparer In God We Trust avec certains albums de Robert Crumb, mais Winshluss arrive suffisamment à s’en démarquer pour ne pas souffrir de la comparaison. Paradoxalement, le même Robert Crumb avait lui aussi adapté la Bible il y a quelques années, mais de manière beaucoup plus sage et académique.

Pour : Ce qui est certainement le plus plaisant dans In God We Trust, c’est que Winshluss ne s’est imposé aucune limite dans ses délires, n’hésitant pas à opposer Dieu à Superman dans un combat dantesque, ou de faire intervenir Conan le barbare au secours du peuple juif. Et Jésus, version Terminator à la tête d’une armée de zombies vaut bien le détour lui aussi.

Contre : Comme expliqué plus haut, le livre part un peu dans tous les sens, changeant très souvent de style, d’époque et de format d’écriture au risque de déstabiliser certains lecteurs. De plus, Winshluss manque parfois un peu de subtilité, notamment quand il évoque la pédophilie dans l’Eglise catholique.

Pour conclure : Dans la droite lignée des précédents albums de son auteur, In God We Trust est un exemple d’humour direct et jouissif, bien qu’un peu gras. Et si on lit entre les lignes, on peut parfois y déceler une critique de la religion finalement plutôt pertinente. Pour toutes ces qualités, cette BD fait d’ailleurs partie de la sélection officielle du festival d’Angoulême de 2014.