Belgique, années 80. Vivant seul avec son père, Jean-Loup est un petit garçon souffrant de TOC dus à un trop grand manque de confiance en lui. Enfermé dans une routine quotidienne rassurante, sa nomination à un grand concours d'exposés national qui l'envoie à Bruxelles devient pour lui une aventure sans précédent ! Saura-t-il surmonter cette épreuve et faire face à toutes les conséquences inattendues de cette dernière ?


J'ai ouvert cette bande dessinée sans savoir du tout à quoi m'attendre... Et bien je peux dire que je m'attendais à beaucoup de choses, mais pas à ça !
Le début est sympathique, mais on se demande un peu où les auteurs veulent nous mener. Le prologue, déconcertant à souhait, est très amusant, puisqu'il joue à nous présenter divers éléments qui auront leur importance dans le récit sans qu'on voie quel lien il pourra y avoir entre eux. Zabus y fait d'ores et déjà référence à Tchekhov et à son célèbre pistolet, qui veut que tous les éléments-clés de l'intrigue soient déjà utilisés auparavant dans la bande dessinée et pas introduit dans le récit au moment où ils servent. C'est ce qu'il fait ici avec un brio incroyable : quand on commence à comprendre que toutes les pièces du puzzle étaient déjà là sous nos yeux, c'est absolument excellent.


Après ce prologue joyeusement déjanté, avec la présentation du personnage principal, on entre dans quelque chose de plus classique. On a déjà vu plusieurs fois, en BD ou en films, cet enfant proche de l'autisme, ici nommé Jean-Loup, qui s'est complètement refermé sur lui-même suite à un drame familial (ici, l'absence d'une mère, aggravée par un père toujours très distant), et qui a transformé sa vie en une routine rythmée par une maniaquerie poussée à l'excès.
Le cadre est posé et la suite, sans être ennuyeuse du tout, ne témoigne toujours pas d'une originalité extrême : s'étant révélé dans un exposé passionnant, Jean-Loup est alors désigné par sa maîtresse pour participer à un concours national d'exposé. Ne sachant quel sujet choisir, il décide d'aller demander conseil à son seul véritable ami qu'il connaisse (car celui-ci répond aux lettres qu'il lui envoie) : le roi des Belges. S'ensuit une sorte de road trip à travers la Belgique qui devient une odyssée fantastique dans la tête de ce petit garçon livré à lui-même dans un monde qui l'écrase.
C'est joli, bien raconté, et déjà, cela aborde discrètement des thèmes assez graves, avec une touche de légèreté très bienvenue. Seulement, même si l'onirisme et la poésie du récit font déjà mouche, on attend quand même que le récit décolle vraiment.
Oui, mais voilà. Ça, c'est juste la première moitié de la bande dessinée. Et la suite, je n'en parlerai pas, car surtout, il ne faut rien déflorer de la beauté et de la puissance du récit, qui devient un impressionnant sans-faute dans son deuxième acte brillant. A l'occasion d'un retournement particulièrement bien amené, l'intrigue prend une toute nouvelle dimension, et même le personnage le plus secondaire, dont on pensait qu'il avait une vocation purement humoristique, acquiert une certaine profondeur, permettant à la bande dessinée de s'achever dans une apothéose émotionnelle très réussie. J'avoue que j'en ai eu les larmes aux yeux...


Le dessin d'Hippolyte complète bien le scénario de Zabus. Au début, je ne le trouvais pas très fin, mais peu à peu, soit que je m'y habitue soit que le trait devienne plus ferme, il dégage une sensibilité et une subtilité inattendues. L'éditeur le compare à Sempé, et j'avoue que, même si je n'étais pas d'accord dans les premières pages, il y a effectivement un peu de ça (Sempé restant bien sûr inatteignable). La délicatesse du trait sied parfaitement au récit, que ce soit dans les moments d'humour un peu bouffon (l'hilarante rencontre de Jean-Loup dans les toilettes du palais royal) ou dans les moments d'émotion pure (le final de la bande dessinée).
Les couleurs jouent aussi beaucoup dans la narration, leur ton grisâtre égrené de touches de couleurs parfois ponctuelles donne un caractère très fort au récit, et l'aspect aquarelle renforce la dimension onirique du conte, car c'en est un.


Enfin voilà, j'espère ne pas en avoir trop dit, mais en avoir dit assez pour donner envie aux quelques fêlés qui me liront. J'imagine que la surprise a été pour beaucoup dans mon appréciation de cette bande dessinée, mais vraiment, ce coup de cœur a été très inattendu pour moi. On tient peut-être là une des meilleures BD de l'année, un bijou de drôlerie, de poésie et d'émotion qui mérite sans conteste le détour !

Tonto
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le 16 juil. 2020

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Tonto

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