Avec Infinite Crisis, Geoff Johns s'empare de l'univers DC. En 2019, il dirige encore plus ou moins cet univers à coup d'event - Doomsday Clock finissant sa parution en décembre prochain. C'est donc une longue ère qui s'ouvre, où le scénariste va toucher à la majorité des personnages dans des runs pour beaucoup déjà passés à la postérité, et régulièrement les faire se rencontrer dans des crossovers de son cru (exception peut-être de Final Crisis).
Logiquement, ce premier pas dans la danse n'est pas son plus gracieux. En particulier, Johns n'a pas pu installer les préparations lui-même et doit composer avec ce qui avait été fait en amont - en particulier Identity Crisis qui a clairement donné le ton. On trouvera également un manque cruel de sobriété, une tendance à surcharger les intrigues, les cases, à faire tourner un peu à vide certains personnages. On est donc loin du niveau d'épique d'un "Sinestro Corps War", pas aussi culte qu'un "Flashpoint" ou prenant qu'un "Forever Evil".
Pour autant, il réussit à donner de l'âme à son event. Entre hommages parfois maladroits à la Crisis initial, discours méta sur la noirceur progressive qui a gagné les comics fin des années 80 et toute la décennie 90, et focus sur une trinité complètement désunie qui retrouvera l’héroïsme - non en s'inspirant de ses aînés pre-crisis - mais bien de la génération suivante chargée de la relève.
Particulièrement dense, parfois même artificiellement avec par exemple la guerre spatiale Rann-Thanagar qui en définitive n'aura rien apporté à l'event, on a quelques intrigues sympathiques. L'OMAC et le satellite Brother-eye fait partie de ces bonnes idées, confrontant Batman aux dérives de sa paranoïa profonde une bonne fois pour toute.
Le vieux Superman perd malheureusement un peu de sa superbe dans cet event. On l'avait déjà revu depuis Crisis par-ci par-là en vieux gardien de l'univers. Certes, le montrer faillible n'est pas pour autant une mauvaise chose, mais son pétage de cable passe trop rapidement d'une violence verbale à une violence physique. On peut exprimer la douleur d'un héros sans faire parler ses poings non?
Johns réussit également à modeler sous sa plume un ancien héros en vilain très crédible. Superboy Prime, assoiffé de sang, dément cherchant désespérément un passé qui n'existe plus, on a ici la naissance d'un antagoniste particulièrement efficace, à la porté symbolique forte par rapport au message de l'event. Sa réutilisation par la suite ne fera que confirmer cette réussite.
Par contre, je suis beaucoup moins convaincu par un Alexander Luthor, à la caractérisation pour le coup beaucoup trop éloignée de celle de Crisis pour fonctionner. Il n'aura toutefois que ce qu'il mérite avec une excellente utilisation du Joker.
Cassant certains runs, à l'image de la Wowo de Rucka qui finit son histoire un peu en précipitation, Infinite Crisis n'aura pas été exempt de défaut, que ce soit dans sa mise en place lourde ou dans son déroulement avec finalement une bonne histoire mais loin d'être le classique qu'elle se voulait. La suite? Une série 52 qui me fait énormément de l’œil, un break d'un an pour la trinité, un Johns qui va en profiter pour tourner le centre de gravité de l'univers DC vers ses Green Lanterns.
NB : l'utilisation de Green Arrow, ne serait-ce que pour cette seule scène dans l'espace avec Batman, est savoureuse.