Jabberwocky est mon premier manga de Masato Hisa. Auparavant, j’avais suivi l’adaptation animée de Nobunagun qui ne m’a pas laissé un souvenir impérissable. Ensuite il y a eu la bombe Area 51, qui partage plusieurs points communs avec Jabberwocky. Mais de comparaison, il ne sera pas question ici. Juste un bilan des sept tomes (spoilers réduits au minimum du minimum).
N.B. : Une version longue a été publiée ici.
Learning by doing
Au fil des pages et des tomes, se dessine une forme d’apprentissage chez Masato Hisa. Du côté de son style graphique d’abord. On voit au fil des tomes une meilleure maîtrise dans l’utilisation des aplats de noir et blanc, le rapprochant peu à peu de celui qui l’a inspiré : Frank Miller et Sin City (je précise que Masato Hisa adapte ce style à son manga, ce n’est pas une copie pure et simple).
Une évolution se repère aussi dans l’agencement des planches. Au départ nous un peu dans la peau d’un archéologue en train de déterrer des fossiles : il faut se repérer avec un début de série qui n’est pas toujours facile à suivre. Ce phénomène s’atténue par la suite, permettant alors de poursuivre l’aventure jusqu’au bout sans regret !
Denver n’est pas le dernier dinosaure
Du côté de l’histoire, un fil directeur se repère assez vite : recrutée par une organisation secrète, Château d’If, l’agent Lily Apricot (elle préfère le raisin) fait équipe avec un Oviraptor tireur (et fumeur) à ses heures, Sabata Van Cleef. Leur mission (qu’ils acceptent) ? Sauver le monde de vilains dinosaures (oui ils ont survécu). Ce duo pour le moins improbable va apprendre à se connaître et ils deviendront peut-être plus que les meilleurs amis du monde...
Au-delà de ce cadre général, Jabberwocky va nous proposer différentes histoires dans l’histoire, qui feront avancer et voyager les personnages principaux tout en permettant au lecteur de voir revisiter quelques grands personnages de l’histoire, de l’art ou de la littérature… en plus de découvrir différentes espèces de dinosaures et leurs caractéristiques qui s’emboîtent joliment dans le récit. C’est aussi cela un des traits de Masato Hisa : faire avancer son récit à l’aide d’histoires (courtes) qui se suffisent à elles-mêmes en même temps qu’elles participent au récit général. Certes, si on connaît déjà les personnages dont il est question on apprécie encore plus les références et la manière dont elles sont adaptées au manga. Des glossaires techniques sont là pour éclairer nos lanternes et même sans eux, on apprécie les différentes virées en Italie, Chine, Angleterre, Egypte, Etats-Unis…
On le voit, un parallèle se dresse entre le dessin et l’intrigue, le fond et la forme. Masato Hisa au fil des pages adapte tant son style graphique que ses histoires. J’aime beaucoup car cela permet de voir qu’un manga n’est pas un bloc mais qu’il se constitue de multiples éléments qui entrent en interaction.
L’auteur va donc au-delà du postulat de base (les dinosaures sont parmi nous) pour suggérer que leur survie a eu diverses retombées loin d’être anodines (vous ne verrez plus Galilée de la même façon). Surtout, les dinos ont évolué (ils sont à taille humaine) et se sont adaptés (ils peuvent se déguiser…) pour passer – en partie – incognito. Il faut dire que leur existence doit demeurer secrète…
Un duo au sommet de la chaîne alimentaire
Jabberwocky possède un bestiaire intéressant, même si on ne verra pas toutes les espèces de dinosaures que l’on peut avoir en tête. Certains passages sur le T-Rex feront sourire, d’autres sur un Compsognathus montreront que c’est un animal qui a de la ressource (ce n’est pas Dieter – Le Monde Perdu – qui dira le contraire). Les humains ne sont pas en reste et parmi eux on trouvera quelques visages connus en plus de certaines « gueules » (Charles Bronson !). Des crapules et des pas gentils seront aussi du voyage. Humains comme dinos : il y a de tout.
Surtout, si les relations entre les deux sont rarement coopératives, des exceptions existant. Elles s’illustrent notamment du côté du Château d’If et des deux personnages principaux : Lily et Sabata (je parle d'eux plus en détail par ici). Leur première rencontre est détonante puisque la première fait (littéralement) perdre la tête au second. Leur rencontre permettra à Lily de mourir pour mieux renaître et à Sabata de trouver une partenaire qui lui permettra aussi d’avancer. Se rencontrer pour mieux avancer, c’est aussi cela le duo Apricot-Van Cleef, ce qui ne l’empêchera pas d’affronter quelques turbulences.
Pour autant, Lily et Sabata ont un peu tendance à éclipser tout le reste. Si Boothroyd et le chef de Château d’If sont là tout du long ils ne sont pas aussi développés que notre duo. Idem pour les autres personnages – au demeurant intéressants et souvent assez poilants ou infâmes dans leur genre. C’est un petit regret.
L’heure de l’extinction approche…
Bien plus facile d’accès que le poème de Lewis Carroll, le Jabberwocky de Masato Hisa est une jolie aventure à découvrir, qui fait sourire en plus de nous apprendre deux-trois trucs au passage. Mon arc préféré est celui qui s'étale du tome 5 au tome 6 et ce n'est pas parce qu'il y a des filles en maillots de bain, ou que l’agent Starbuck ressemble à Amaterasu (Area 51)… non non, rien de tout cela. Vous vous en rendrez compte en lisant ces passages.
En sept tomes, une véritable montée en puissance se fait jour, sur tous les plans. Reste à passer les deux premiers tomes pour pleinement profiter de la suite. Les volumes ont un coût (9,15 euros) mais comme la série fait 7 tomes, celui-ci est relativement amorti.
Je termine sur une interrogation : sur la jaquette du tome 7 on voit figurer la phrase suivante : « Le XXème siècle va être amusant. » avec une image de Django. Peut-on en déduire que Jabberwocky1914 est dans les tuyaux ?