Partie 1 : https://www.senscritique.com/bd/jujutsu_kaisen/critique/305147862

Ceci est la deuxième partie de ma critique du manga Jujutsu Kaisen débuté sur la page qui lui est dédiée.

Obligé de la couper en 4 car je suis apparemment, toujours, trop productif pour le superordinateur de la Nasa qui gère le flux de donné sur ce site dont les serveurs sont situés quelque part en Ouzbékistan.

Partie 1 : https://www.senscritique.com/bd/jujutsu_kaisen/critique/305147862

Partie 2 : La longue marche. (Une analyse en ordre chronologique de (certains) arcs de Jujutsu Kaisen.)

Sous Parties :

  • 1. Arc de Junpei ou arc Petit Poisson et Retour de Bâton.
  • 2. Arc du trésor caché en français, ou Hidden Inventory en anglais, ou l’arc du passé de Gojo selon d’autres.
  • 3. Arc du drame de Shibuya.

Arc de Junpei ou Arc Petit Poisson et Retour de Bâton :

L’arc de Junpei et sans doute le premier arc de Jujutsu Kaisen qui m’a frappé par la densité de son contenu. Cet arc fait beaucoup en peu de temps, beaucoup en à peine plus d’un tome et demi. En effet, pour peu qu’on décide de lui accorder l’attention qu’il mérite, son propos se révèle particulièrement riche compte tenu de sa longueur.

Déjà, il y a son titre : Petit poisson et retour de bâton… Que nous allons immédiatement oublier, car comme cela peut arriver avec la traduction française celle-ci retranscrit bien mal la signifiance du titre original japonais.

Alors à la place, tâchons de rester au plus proche du sens originel et intéressons-nous à sa version nippone : 幼魚(yougyo)と逆罰(sakabachi).

Les kanjis qui forment le terme « Yougyo » sont une combinaison du kanji d’enfance et de celui de poisson . « Yougyo » fait donc ici référence à un jeune poisson, à ses débuts en tant que tel. L’on redécouvre ici le sens juvénile de l’expression qui a été perdu dans la traduction française. Le poisson n’est pas petit par nature, il est petit car il est jeune, c’est un enfant.

Ensuite, « Sakabachi » composé des kanjis d’opposé, d’inverse et de celui de punition . Dans ce cas on comprend aisément qu’il est question d’une revanche prise sur quelque chose ou quelqu’un qui nous aurait précédemment causé du tort auquel cas l’expression française « retour de bâton » semble être une traduction plutôt appropriée. Seulement, celle-ci omet, une fois de plus, un sens qui a son importance. En effet, le kanji de punition peut se lire de deux façons différentes en japonais « batsu » et « bachi » les deux lectures ont beau toutes deux renvoyer à l’image d’un châtiment elles se distingue par un détail non négligeable, le sens de « bachi » fait référence lui à une punition de nature divine, une punition qui tend vers la malédiction. Or c’est bien la lecture de « bachi » qui a été choisi par Gege Akutami et dont la connotation divine a malgré tout été effacée de la traduction française ne transparaissant pas le moins du monde à travers l’expression « retour de bâton ». Et on ne va pas tarder à voir pourquoi cela peut fausser ou au moins appauvrir l’analyse des thèmes de l’arc qui nous intéresse.

Quoi qu’il en soit, ces précisions faites, que peut bien signifier ce titre ?

Contrairement à ce que j’ai pu voir sur internet je ne pense pas que « Yougyo », le petit poisson, désigne Junpei. Au-delà du fait que celui-ci s’est déjà vu assigné un animal, à savoir la méduse, Junpei s’éveille certes à l’exorcisme au cours de cet arc mais il n’a pas vraiment l’occasion de se voir grandir. Non, à mon avis, le jeune poisson, c’est Yuji. C’est un exorciste qui se lance dans sa première mission d’importance supervisé par un mentor et qui va découvrir toute la complexité morale et pratique de sa vocation. On peut voir ici Yuji comme un jeune poisson qui quitte le grand bassin pour aller nager avec les requins et se retrouve confronté à l’immensité de l’océan.

Ensuite, « Sakabachi ». Si l’on s’en tient à la traduction française l’on serait tenté de penser que cette punition ne désigne rien d‘autre que la revanche que Junpei va prendre sur ses tortionnaires. Une simple rétribution exercée par pure haine sans autre sujet connexe qui semble presque exclure l’agent fantastique de l’équation. Or le véritable sens de « Sakabachi » est ici bien plus profond, au moins autant qu’il est tragique. La forme de la punition « divine » qui rentre ici en ligne de compte est triple et ces formes se font écho : en premier, celle que Junpei pense avoir subie après la mort de sa mère, en second, celle qu’il veut faire subir à ceux qui l’ont maltraité, et en troisième, celle dont il est lui-même victime lorsqu’il meurt éliminé par Mahito.

Pour ce qui est de la première, Junpei le dit lui-même dans le chapitre 26 lui et sa mère ont été maudit, avant d’ajouter que c’est parfaitement injuste sous-entendant que sa mère n’avait rien fait de mal ou au moins rien qui ne justifie un tel sort. À travers cette précision on comprend que dans la bouche d’un Junpei désespéré cette phrase insinue que c’est le destin voire dieu lui-même au moins autant que les gens qui l’a maudit lui et sa famille. De plus comme mentionner plus haut le terme « bachi » rapproche dans ce cas dangereusement le sens de punition divine de celui de malédiction.

À ce stade du récit, pour Junpei, les brimades qu’il a subies sont sa malédiction. Une malédiction dont il a souffert par la faute de gens qui n’ont aucun droit de le juger, eux qui sont pourris jusqu’à la moelle. Il se décide donc à faire ce qui selon lui doit être fait et s’en va juger à son tour les véritables coupables.

Le deuxième type de punition divine rentre alors en vigueur, et c’est Junpei qui va l’administrer. Pour preuve dans le chapitre 26, toujours, Junpei affirme que les humains se pensent au-dessus de la création alors qu’ils ne sont pas grand-chose concluants que « toutes les vies n’ont pas la même valeur ».

Seulement, cette ultime bravade va vite pendre fin lorsque Yuji fait admettre à Junpei sa propre confusion et révèle sa philosophie comme n’étant rien d’autre qu’un prétexte pour laisser libre cours à sa haine.

Le poison va si bien comme attribue à Junpei car celui-ci est lui-même consumé par le poison qu'est son ressentiment. Mieux encore sachant que l’énergie occulte se forme à partir d’émotion négative, il n’est pas exagéré de dire que c’est son ressentiment lui-même que Junpei inocule à autrui par le biais de sa méduse. Ce faisant, Junpei communique à ceux qui l’ont martyrisé la souffrance qu’il a lui-même enduré par leur faute. Ainsi, ce n’est sans doute pas un hasard si Junpei marque à son tour celui qui l’a brutalisé en lui paralysant le bras, le recouvrant de marque noire qui ne sont pas sans rappeler celles que les brûlures des cigarettes de son tortionnaire ont laissées sur son front.

Entre alors en jeu le troisième type de punition divine qui va faire éclater au grand jour tout le pathétique de cette situation.

Ramené à la réalité par Yuji, Junpei le réalise, sa haine l’a isolé, il s’est perdu lui-même dans ses justifications bancales.

Il n’y a pas de punition divine, il n’y a que des actes, que des choix et des intentions.

Seulement, il est vrai aussi à ce stade que Junpei a fait des mauvais choix ou au moins a commis des actes qui l’on conduit à tomber à son tour sous le coup de la justice de quelqu’un qui comme lui plus tôt s’est pensé plus juste et donc plus apte à le punir : un exorciste.

Mais contre toute attente Yuji refuse de s’en prendre à Junpei et préfère essayer de le comprendre. Le jeune poisson encore plein d’espoir préfère inviter Junpei à se découvrir et à se racheter par ses actes en devenant à son tour exorciste.

Mais alors que l’on pourrait s’attendre à assister à la rédemption de ce cher Junpei, Jujutsu Kaisen va nous offrir une fin autrement plus dramatique qui en dit long sur ses propres thématiques et sur la philosophie de l’univers qu’il dépeint.

En un instant, Mahito apparait et tue Junpei de façon grotesque sous les yeux d’un Yuji horrifié.

On peut agir mal avec de bonnes intentions mais cela ne nous dédouane pas d’un jour devoir faire face aux conséquences de nos actes. En un sens, et non sans une certaine ironie, Junpei se voit devenir ici la victime de cette justice divine qu’il s’était fantasmé.

À travers cette conclusion Jujutsu Kaisen ne nous dit pas que ceux qui agissent mal sont toujours punis pour leur crime mais il souligne néanmoins que le bien et le mal ne sont pas des concepts interchangeables et qu’il revient d’agir très consciemment pour trouver son propre équilibre entre les deux au risque d’atteindre une fin aussi pathétique que celle qu’à rencontrer le garçon à la méduse.

Au final, toute la tragédie de Junpei réside dans le fait qu’il ne s’est pas laissé le temps de trouver sa place en ce monde. Il n’a pas eu la lucidité nécessaire pour trouver cet équilibre entre bien et mal, entre action et intention, il est mort confus à la suite d’un enchaînement de choix hasardeux motivé par des facteurs essentiellement extérieurs, comme le laisse comprendre son dernier mot marqué par l’incompréhension : « Pourquoi ? ».

De son côté Yuji qui cherche depuis le début du récit une fin digne à son existence va être fortement chamboulé par la mort de Junpei et va ainsi commencer à douter lentement, mais surement, de la possibilité réelle de mourir dignement dans un monde ou bien et mal se côtoie de si près.

Quand je vous disais que l’arc de Junpei était riche ! Et je me suis surtout attardé ici sur Junpei lui-même mais il y aurait encore beaucoup à dire sur Mahito et son rapport à l’âme, ou sur Kento et sa profonde humanité. La discussion entre Mahito et Junpei dans les égouts étant d’ailleurs aussi une petite mine d’or pour ceux qui aime se creuser la tête et approfondir les thématiques relatives au rapport entre humain et fléau. De cette façon l’arc de Junpei distille intelligemment toutes sortes de sujet de réflexion aux détours d’une conversation ou d’une interaction. Une fois de plus Jujutsu Kaisen tire le meilleure de ce qu’il propose et cette fois en un temps record.

Sans parler des techniques d’exorcisme introduites dans cet arc (la fameuse extension de territoire), des visuels, des combats et de l’atmosphère installé.

Non, franchement, ce premier arc à dépasser les 10 chapitres nous propose une intrigue qui développe des problématiques fort pertinentes, relatives au statut des exorcistes, et continue à construire ses thématiques principales de façon particulièrement signifiante.

Mais bon je vous rassure on va pas non plus passer notre vie sur l’arc Junpei alors à l’image de Yuji faisons le deuil de ce triste amateur de blob gélatineux et sautons un peu plus loin dans le temps pour voir ce qu’il advient de notre jeune poisson.

2. Arc du trésor caché en français, ou Hidden Inventory en anglais, ou l’arc du passé de Gojo selon d’autres.

Ouai, je suis d’accord moi aussi, il serait temps que l’on puisse s’accorder sur le nom de ces arcs.

Par souci de clarté, on va partir cette fois sur « l’arc du passé de Gojo » bien que cela soit moins proche de son réel contenu que le titre anglais « Hidden inventory » que l’on pourrait traduire par dossier caché ou inventaire dissimulé.

En effet, l’arc du passé de Gojo sert finalement moins à présenter les jeunes années du plus puissant des exorcistes qu’à nous expliquer comment celles-ci ont pris fin brutalement et ont emporté avec elle son quotidien insouciant.

Après les événements que nous présente l’arc du passé de Gojo plus rien ne sera jamais comme avant. Les chaînes du destin vont être brisé et l’avenir va disparaître dans un brouillard d’incertitude.

Autant j’aurai tendance à dire que l’arc de Junpei et une entrée en matière d’excellente facture qui prépare à des développements futurs passionnants autant l’arc du passé de Gojo est à lui seul une petite merveille qui nous raconte une histoire aussi poignante que cruel centré sur l’âpreté du rôle de l’exorciste en ce monde.

Et cette histoire il va nous la raconter avant tout par le biais des interactions entre trois hommes, Suguru Geto, Gojo Satoru et Toji Fushiguro. Il n’en faudra pas plus de ces trois hommes pour bouleverser à jamais le monde de l’exorcisme.

À cette époque, le caractère joueur de Satoru tire plus que jamais vers l’arrogance voire la suffisance. Heureusement, son meilleur ami Suguru est là pour incarner l’ordre et la droiture au sein de leur duo baroque. Il arrive souvent que leurs divergences d’opinions concernant leur statut d’exorciste causent certains débordements, mais le commandement leur passe ces fantaisies car ils sont au moins aussi conscients que les principaux intéressés qu’ensemble ces deux jeunes exorcistes sont indubitablement « Les plus forts ».

Pour Suguru l’exorciste a plus de devoir que de droit et se doit de mettre ses talents aux services de ceux qui sont le plus susceptible de devenir les proies d’un monde reconnu comme inique. Selon lui l’exorcisme et par extension l’exorciste, puisqu’il est au contact de toutes la noirceur du monde, doit être soutenu par un socle moral inébranlable et un esprit qui érige en doctrine un certain bon sens, celui de mettre sa force au service des faibles, et surtout de ne pas tuer sans raison. Cette philosophie se base sur la pensée absolue que l’exorcisme existe pour protéger les non-exorcistes. Et j’insiste ici sur le « existe » prononcer par Suguru dans le chapitre 65 qui signifie que d’après lui l’exorcisme manié par un vrai exorciste se doit de servir exclusivement une fin à la pureté indubitable et celui qui use de ce pouvoir, l’exorciste, doit faire preuve d’une dévotion sans faille à cette cause. Autrement dit l’exorciste est un soldat de vertu et l’exorcisme est la voie du bien. À ce stade, de façon intéressante, on peut remarquer que Suguru ressemble pas mal à Yuji à ses débuts. Une ressemblance qui n’est pas fortuite car il se trouve que Suguru et Yuji sont plus proche qu’il n’y parait notamment dû au fait qu’il s’agit des deux personnages dont l’évolution incarne le mieux les problématiques liées à l’exorcisme.

Mais je m’égare un peu…

De son côté Gojo est plus fougueux et irréfléchi, enivré par la liberté que lui octroie son propre pouvoir encore en plein développement. Il est avide de nouvelles expériences dans le but de combler l’appétit qu’il a d’une existence qui ne semble rien trouver à lui opposer. Ainsi, Gojo peut se montrer irresponsable et insouciant. Le fait de percevoir le monde au travers d’un prisme idéologique ne lui apparaissant alors que comme une énième entrave à son désir de liberté, un cache-misère pour ceux qui ne peuvent mettre la main sur ce qu’il désire par la force. Malgré cela, Gojo n’est pas dénué de valeurs pour autant. En effet, derrière ses grands airs égoïstes il ne supporte en réalité guère plus l’injustice que Suguru et sait faire preuve d’une grande empathie à l’égard de ceux qui sont les victimes privilégiées des vicissitudes de l’existence comme c’est par exemple le cas pour Riko. Enfin, si Gojo a tendance à prendre les gens de haut il y a quelqu’un pour qui il a la plus grande estime et dont il respecte l’avis et ce quelqu’un c’est Suguru, celui qui est selon ses propres dire : « Le meilleur ami qu’il ait jamais eu ». Il est d’ailleurs intéressant de noter que la philosophie du Gojo que l’on découvre au début de Jujutsu Kaisen semble au moins en partie influencé par Suguru qui lui a malgré tout inculqué la valeur de la vie, mais surtout l’importance de canaliser son pouvoir infini afin de le mettre au service des faibles.

Mais je m’avance un peu alors faisons sans plus attendre entrer notre troisième protagoniste : Toji Fushiguro.

Toji est… Intéressant. Très intéressant même.

Déjà parce qu’il a conquis une fanbase toute entière en à peine quelques apparitions, sérieusement je n’ai jamais vu quelqu’un en dire du mal et pour faire l’unanimité dans la sphère manga il faut quand même se lever tôt, mais aussi parce que le bougre occupe une place des plus singulière au sein de l’univers de Jujutsu Kaisen.

Toji sans même en être conscient ni même nécessairement le vouloir va se retrouver à l’origine d’un enchaînement d’événement qui va avoir des conséquences sans précédent pour le monde de l’exorcisme voire même pour la planète entière. Ce qu’il y a de fascinant chez Toji c’est à quel point ce dernier évolue en dehors des normes qui nous ont été présenté jusqu’ici. Il est plus qu’un marginal, à l’aune de la doctrine et de l’institution de l’exorcisme il est une anomalie, une improbabilité. Un exorciste d’une grande famille qui va abandonner ses racines, vivre une vie de mercenaire à la petite semaine et se libéré de l’énergie occulte tout en ayant développé dans son coin des capacités telles qu’elles lui permettent, à l’envie, d’éliminer les plus puissants exorcistes connus.

« Non mais, c’est qui ce type ? » voilà ce que se sont sûrement dit, à juste titre, tous les exorcistes qui ont croisé Toji à cette période de sa vie.

Yuji parle parfois au cours du récit de l’exorcisme comme d’une immense machine impérieuse dont la volonté semble suprême, Toji, sortie de nulle part sera le grain de sable qui va dérégler cette grande machine avant de brutalement disparaitre. Pourtant comparé à Suguru par exemple, Toji n’est pas quelqu’un de très difficile à cerner, c’est un homme qui a décidé de vivre en ne respectant rien, il a fait ce qu’il voulait comme il le voulait et a ainsi traversé son existence avec une nonchalance insolente. Seulement, dans ces derniers instants il choisira d’oublier celui qu’il est devenu au profit de celui qu’il était censé être, un Zenin, et par soif de reconnaissance et esprit guerrier il défiera de front le plus puissant des exorcistes ce qui causera sa perte. Loin d’entacher son image cette fin violente semble confirmer que Toji Fushiguro était bien le parfait guerrier car sa seule faiblesse lui vient d’une part de lui-même qu’il n’a cessé de renier, une part de lui-même qui s’appelle Toji Zenin. Toji Fushiguro semblait bien invincible, mais malheureusement pour lui ce sera son alter égo encore attaché aux valeurs du clan Zenin qui lancera son dernier assaut contre l’utilisateur du pouvoir de l’infini et scellera leur sort à tous les deux.

Dans une ironie pathétique toute « Jujutsu Kaisenesque » Toji trouvera la mort par la faute d’un trait de personnalité qui semble inné chez les Zenin, « l’orgueil », alors que dans le même temps le serment qui lui a permis d’accomplir tous ses exploits guerriers en faisant de lui un homme libéré de l’énergie occulte est lui aussi de nature innée. Autrement dit, ce qui avait libéré Toji du joug de l’exorcisme et aussi ce qui l’a condamné à périr par l’exorcisme. Une réalisation tragique qui vient ajouter un lyrisme et une beauté toute particulière à la fin shakespearienne de notre duelliste déjà légendaire.

Vous l’aurez compris ce qui fascine le plus chez Toji, en plus de son charisme, il faut l’avouer, assez formidable, ce sont ses actes. Ce qu’il a accompli vaut bien mille mots. En éliminant Gojo et Suguru sans grand effort et en tuant Riko, le plasma stellaire, Toji a mis échec et mat les fondamentaux de la doctrine des exorcistes et a brisé un rituel mis en place depuis plusieurs siècles afin de maintenir la suprématie de cette doctrine. Lui, le primate sans énergie occulte, lui, le rejeté du monde de l’exorcisme, lui, le vagabond sans grandes idéologies ni valeurs est sortie vainqueur avec une facilité déconcertante d’un combat contre les forces les plus redoutable de son temps. Toji a rendu possible l’impossible, et ce faisant a ouvert un nouveau chemin pour les exorcistes qui lui succéderont, un chemin qui apprend à ceux qui l’empruntent qu’il est possible de naître exorciste et de vivre malgré tout pour soi-même, en étant soi-même. Ce chemin c’est bien évidemment Maki qui va l’emprunter et qui à son tour va devenir le héraut de cette forme de liberté inédite en œuvrant cette fois plus directement à la destruction des vieux principes fondateurs du monde de l’exorcisme, notamment, en annihilant une bonne fois pour toute le clan Zenin.

Toji est un agent du changement, positif ou négatif, il est encore trop tôt pour le dire, mais une chose est sûre ses actes resteront graver à jamais dans les mémoires de ceux qui l’ont vu à l’œuvre de la façon la plus originale qui soit.

Je sais que ça sonnait bien comme phrase conclusive mais nous n’en avons pas encore fini avec l’arc du passé de Gojo, non, non, non.

Deux autres exorcistes vont se trouver impliqué dans ces événements sans précédent amorcé par l’anomalie Toji Fushiguro, ces exorcistes vous les connaissez déjà il s’agit de Suguru Geto et Gojo Satoru alors voyons voir ce qu’il advient d’eux après cette tragique affaire.

Et croyez-moi, c’est très, très intéressant.

Commençons à nouveau par Geto parce que c’est mon préféré. Oui, j’ai un préféré, j’ai le droit non ? Bon… Hum, hum.

Pour être honnête Suguru Geto est, à mes yeux, le véritable personnage principal de cet arc du passé et son évolution est je pense la plus intéressante des individus que l’arc en question nous présente.

Après avoir assisté à la mort de Riko, Suguru va lutter un an tout entier contre les idées noires qui encombre son esprit, les visages béats des membres de la secte ayant commandité la mort de la jeune fille et applaudissant son cadavre vont le hanter nuit et jour.

Le monde de l’exorcisme est laid, Suguru le savait, mais était-il prêt à un spectacle aussi abscons de cruauté, mettant à nu de façon aussi délibéré la partie la plus minable de l’âme humaine ?

Malgré tout le bien que Suguru essaye d’insuffler en ce monde, malgré tous les torts qu’il essaye de redresser, malgré toutes les injustices qu’il essaye de prévenir, l’humain trouvera toujours moyen par lui-même de souiller la bonté des exploits que des exorcistes comme Suguru s’efforcent d’accomplir.

Après tout, les membres du culte astral qui ont commandité la mort de Riko ne vénèrent-ils pas Tengen figure illustre de l’exorcisme ? N’est-ce pas pour conserver la pureté de ce supposé dieu que le culte a fait éliminer de sang-froid un être autre innocent que Riko ? L’exorcisme, la voie du bien d’après les valeurs que lui associe Suguru, a justifié un meurtre aux yeux de quelques fous et à présent ils s’en réjouissent impunément. À la vue de cette réalité c’est un monde absurde qui apparaît au regard de l’invocateur. Tout ce qu’il y a de pur l’humain trouvera un jour le moyen de le souiller, tout ce qu’il y a de sacré l’humain trouvera un jour le moyen de le dévoyer, c’est dans sa nature de corrompre car l’humain est une vermine et tout cela il le fera sans la moindre gratitude pour tous ces exorcistes qui chaque jour se démène pour leur offrir un monde un tant soit peu meilleur. Ces humains ne cessent de faire leur propre malheur et le sien, alors à quoi bon ?

Les fléaux qu’il avale mission après mission son tels ces vérités dont il s’est nourri ces dernières années : « Il est le devoir des forts d’aider les faibles », « Il ne faut pas tuer sans raison », « L’exorciste existe pour aider les non-exorcistes »… Sauf que maintenant ces vérités, au même titre que les fléaux, il ne peut plus les ingérer, pas pour ces raisons, plus pour ces raisons. Ces beaux principes envolés, plus rien ne couvre le goût répugnant de ces sentiments négatif matérialisé qu’il avale pour le bien du plus grand nombre. Pourquoi, lui qui a le pouvoir d’imposer ce qu’il pense bon, ce qu’il pense juste, devrait s’astreindre à aider cette race inférieure, faible, irréfléchie et méchante que représente-les non-exorcistes ? Cette race inférieure qui malgré toutes ses bassesses s’abrogent tous les droits sans vouloir aucun des devoirs pour lesquelles se sacrifie les exorcistes depuis des générations. Pourquoi tout cela ? Pour rien ? Alors il n’y a qu’à arrêter une bonne fois pour toutes.

Quelques jours avant son revirement total Yuko rencontre Suguru et lui propose de chercher à faire évoluer l’humanité pour, qu’à l’image des exorcistes, celle-ci contrôle mieux sa propre énergie occulte et ne produise plus de fléaux, mais à ce moment ce qu’elle ignore c’est que Suguru a déjà trop peu d’estime pour les non-exorcistes pour envisager un tel projet.

La mort de Yu, victime lui aussi d’un usage détourné de l’exorcisme par une secte, suivit de sa rencontre avec les deux jumelles Hasaba maltraité par un village de non-exorciste, terminera d’achever sa transformation. À ce moment dans l’esprit de Suguru le devoir du fort envers le faible est devenue la tyrannie du faible sur le fort. Une tyrannie contre laquelle l’invocateur compte bien lutter. Ainsi, par ces dernières actions menées en tant qu’exorciste Suguru proclame : « Il n’y a pas de devoir à aider ceux qui nous sont inférieur par nature, c’est une cause vaine et inepte. ». Il n’y a pas de devoir à aider à l’évolution de ceux qu’il nomme à présent « primate ».

Le basculement idéologique et moral de Suguru aura certes été décisif dans sa transformation mais il serait une erreur de négliger dans ce processus le rapport que l’invocateur entretient à son plus grand ami : Gojo Satoru.

En un an Satoru a lui aussi eu le temps d’évoluer.

D’un des plus puissants exorcistes, à force d’entrainement, il est devenu LE plus puissant.

Suguru aux prises avec ces interrogations se retrouve isolé, à la traîne. Leurs puissances respectives, qui jadis les rapprochait, aujourd’hui les éloignes. Ils ne sont plus : « les plus fort », l’époque de leur duo invincible et complice est révolue. À présent, et pour longtemps, il n’y aura qu’un plus fort : le dernier héritier des pouvoirs du clan Gojo. Ainsi, la puissance de Suguru qui agissait comme le vecteur d'une signifiante amitié, n'est plus qu'un poids, plus qu'une source de responsabilité pesante. Pour Suguru, cet éloignement ne fait que souligner toute la lourdeur des devoirs qui incombent à celui qui est puissant. La frustration de ne pouvoir employer son pouvoir pleinement, la frustration d’être obligé de le mettre au service de causes impersonnelles, générales.

Suguru commençait déjà à douter de la logique de sa mission d’exorciste mais l’absence d’individu à même de l’approuver pour ce qu’il pense à présent va accélérer son départ du camp des redresseurs de tort. Suguru semble alors en arriver à cette simple mais triste réalisation : plus personne ne parait capable de le comprendre, même pas son meilleur et plus vieil ami.

Une réflexion qui sera confirmée par la réaction atterrée de Satoru lorsqu’il apprendra que son ami Suguru est officiellement devenu un maitre des fléaux, son ennemi naturel.

Suguru n’est pas quelqu’un de mauvais en soi, c’est quelqu’un qui désirait sincèrement faire le bien et qui s’est attelé à cette tâche avec une grande droiture, mais qui chemin faisant a fini par être consumé par le rejet et la crainte de voir ses actes n’aboutir à rien d’autre que la souffrance et le néant.

Mais ce que je trouve particulièrement intéressant c’est ce que l’on peut voir poindre derrière les revendications idéologiques de Suguru qui, si je les pense sincère, ne disent pas tout de la mélancolie qui caractérise ce cher invocateur.

Le premier acte de Suguru après son revirement sera de se créer une famille en accueillant auprès de lui nombre d’utilisateurs d’énergie occulte marginaux. Il se trouve un nouveau rêve bien à lui qu’il souhaite poursuivre et pour lequel il est prêt à donner sa vie. Il est évident par ses actions que ce que Suguru entreprend vient aussi répondre à un besoin existentiel qui passe par la création d’un nouveau foyer. Suguru ne veut pas se laisser malmener par ce monde, il veut le prendre à bras le corps et y trouver sa place. Il relève le défi de sa propre existence à sa propre façon. Au final, à l’image d’autres exorcistes avant lui, Suguru veut se créer une localité en ce monde et le marquer de son empreinte, la différence étant que le chemin qu’il a choisi d’arpenter pour cela se détache de celui choisit par ses anciens frères d’armes allant jusqu’à s’y opposer.

Mais là encore Jujutsu Kaisen va faire grimper la puissance de sa dramaturgie d’un cran lorsqu’il nous apprendra que Suguru est mort à la première tentative de voir son rêve se réaliser. Tué au cours des événements narrés dans le tome 0, c’est un fait, Suguru meurt, pour ainsi dire, avant même que notre histoire ne débute. Celui que l’on connait sous le nom de Suguru Geto n’apparaitra alors dans notre récit qu’au passé, il a échoué. Et bien que l’on pourra me rétorquer que ses ambitions étaient toutes sauf louables, ce que je ne nierai pas, je ne peux m’empêcher d’être touché par la mélancholie qui caractérise le parcours de cet exorciste baroque surtout lorsque l’on sait que son corps est aujourd’hui en possession d’un esprit qui l’interdit même de trouver le repos dans la mort laissant entrevoir la possibilité que celui-ci meurt deux fois de la main de son meilleur ami.

Satoru Gojo, le meilleur ami en question, va, lui, éveiller pleinement son complexe de dieu lors de son second affrontement contre Toji. Enivré par sa toute-puissance, à l’instar d’un être digne de vénération il se situe plus au moins consciemment au-dessus d'autrui. Un dieu qui se réserve le droit de juger et punir selon ses propres désirs comme par exemple lorsqu'il affirme, dans le chapitre 76, pouvoir tuer tous les membres de la secte responsable de la mort de Riko sans ne rien ressentir. Mais le meilleur exemple de son accès fantasmé à la divinité se trouve être la réplique aujourd’hui célèbre qu’il adresse à Toji lorsque celui-ci lui dit que leur combat n'est pas fini.

"Ah bon, tu crois vraiment, bon peut-être !!!"

À ce stade, le Gojo humain et le « dieu » Gojo semblent créer une certaine confusion mentale à l'origine de cette étrange réplique.

Gojo, ivre de son statut divin, ne semble même plus savoir si Toji peut encore être considéré comme un ennemi qui va lui offrir un combat ou s'il n'est rien du tout face au dieu qu’il pense personnifier.

"Est-ce bien un combat ?", "Est-ce bien un adversaire ?", "Existe-t-il encore un ennemi sérieux pour moi en ce monde ?", voilà ce que semble se demandait Gojo.

Et lorsque son côté humain reprend le dessus il semble subjugué par l'idée que quelqu’un puisse encore lui opposer une quelconque résistance. Il aime au fond de lui les difficultés qu'impliquent cette humanité dont il est pourtant en train de se départir peu à peu.

Selon moi, à cet instant, Gojo aurait eu le potentiel de devenir un fascinant antagoniste, mais de façon fort signifiante et tout aussi intéressante, il apparait que son temps passé au côté de Suguru lui a inculqué la mesure et la droiture qui caractérisait jadis son ami. Ainsi du fait de sa proximité à Suguru, Gojo apprendra à canaliser sa puissance et deviendra le professeur très peu pédagogue mais compatissant que l’on rencontre au début de notre histoire.

L’arc du passé de Gojo se conclut sur un moment que je trouve d’une grande beauté sur lequel je vais aussi terminer mon analyse dudit arc.

À la fin de l’arc du passé donc, Gojo a Suguru dans sa ligne de mire et pourrait choisir de l’éliminer ici et maintenant pour les crimes qu’il a commis, pourtant… Il ne le fait pas.

Gojo l’exorciste aurait bien une raison de tuer Suguru Geto le renégat, mais Gojo Satoru l’ami ne trouve pas la volonté d’abattre son partenaire de toujours malgré le fait que Suguru lui-même lui affirme qu’il en aurait non seulement le droit, mais aussi le devoir, il aurait une raison de le tuer.

Cette décision de Gojo marque un des rares moments dans l’univers de Jujutsu Kaisen où le cœur, la beauté lumineuse des sentiments, gagne sur la noirceur des thèmes et la gravité des lois impérieuses qui prévalent généralement au sein de l’univers dans lequel évolue les exorcistes.

Ce lumineux moment est d’ailleurs sublimé une fois superposé à l’opening « Ao no sumika » qui ouvre la seconde saison de l’anime de Jujutsu Kaisen dédié à l’arc du passé.

Un opening dont les paroles, on le comprend, exprime le point de vue de Gojo qui adresse un dernier message poignant à celui qui est son ami et qu’il voit lentement s’éloigner de lui sans pouvoir l’en empêcher.

« Dans cette saison bleue qui semblait durer éternellement
Rien pour obstruer la vue de ce qui se trouvait devant mes yeux
Le bitume résonnait du chant des cigales
Ton silence est devenu audible »
« Ces jours-là se sont estompés
Même après avoir réalisé que ton odeur était différente de la mienne
Dans les profondeurs de l'éternité qui nous a laissés derrière »

Et pourtant…

« Notre bleu demeure encore
Notre bleu demeure toujours
Aussi proche puissent-elles s’approcher de toi aucune prière ne pourrait jamais t'atteindre »
« Des mots censés te maudire reste coincé dans ma gorge,
Mais à la place c'est une voix muette qui demande : « On se reverra, n'est-ce pas ? »

Ce morceau magnifique cristallise à merveille l’essence de la fin de la relation des deux exorcistes.

Leur amitié a trouvé refuge pour l’éternité dans le bleu pure et sincère de ce ciel qu’ils ont tant de fois contemplé côté â côte. Et bien que leurs choix les ais séparés et qu’ils semblent irréconciliables cette amitié sera à jamais préserver en eux, dans leur cœur, mais aussi dans leur souvenir de cette époque rayonnante ou tout était évident et rien n’était vraiment grave.

Un message final des plus lumineux à l’image de l’amitié de Gojo et Suguru qui vient clôturer un arc qui malgré toutes les horreurs qu’il dépeint reste l’un des plus positifs du manga d’Akutami.

Ainsi, dans un moment de grâce particulièrement touchant ou se mêle toutes les émotions les plus sacrées, Gojo laisse son ami s’en aller la vie sauve et fait triompher un court instant la lumière sur les ténèbres qui caractérise son monde.

Et cette lumière on va en avoir besoin croyait moi parce que dans l’arc suivant ça se passe mal, mais alors très, très mal.

On a pris notre temps, mais nous y voilà enfin, il est temps de parler de l’arc du drame de Shibuya !

...

...

...

Partie 3 de la critique : https://www.senscritique.com/bd/le_drame_de_shibuya_ouverture_jujutsu_kaisen_tome_11/critique/305152897

Pas de place.

Aaaaaah...

In a perfect World men like me would not exist... But this is not a perfect world...

Partie 3 de la critique : https://www.senscritique.com/bd/le_drame_de_shibuya_ouverture_jujutsu_kaisen_tome_11/critique/305152897

Dr_Stein
9
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Créée

le 1 mai 2024

Modifiée

le 1 mai 2024

Critique lue 21 fois

Dr_Stein

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