O Brother, Ware Art Thou ?
J’avais déjà essayé ce machin là il y a un an, j’avais laissé tomber au bout de cinquante pages sans trop comprendre l’engouement qu’il pouvait susciter, mais je suis un garçon persévérant, j’aime bien chercher des réponses qui n’existent pas. Hier, on m’a prêté l’ouvrage, je suis allé voir l’exposition Edward Hopper, et, allez savoir pourquoi, en revenant, je me suis dit que Jimmy Corrigan serait dans le ton pour occuper ma soirée.
Jimmy Corrigan a 36 ans, il est bon de le préciser d’emblée, vu qu’il a la mentalité d’un gamin de 8 ans et l’aspect physique d’un vieillard incontinent.
Jimmy Corrigan reçoit peu avant Thanksgiving un message de ce père qu’il n’a jamais connu et quitte quelques jours les jupons de sa mère pour jeter un coup d’œil à son géniteur…
Chris Ware assume semble-t-il assez bien le caractère autobiographique de son œuvre, ce qui fait probablement de lui l’auteur de bandes dessinées américain le plus chiant depuis Craig Thompson… Comme quoi, si on a une vie insignifiante en diable, ce n’est peut-être pas l’idée du siècle de l’étaler au grand jour…
Chris Ware débale sans aucune pudeur les déficiences de son personnage jusqu’à un misérabilisme plus embarrassant pour lui que pour le lecteur, l’apogée étant le moment où le personnage fond en larmes en hurlant à sa demi-sœur et à son grand-père dont il ignorait l’existence la veille encore qu’il voudrait qu’on l’aime…
Encore eut-il fallu être aimable.
Le manque d’amour n’a jamais suffi à fabriquer un personnage, et vu que c’est la seule caractéristique de celui-ci, inutile de dire qu’il est absolument impossible de s’attacher à ce geignard mou et pathétique dont les péripéties insignifiantes me laissèrent froid comme le marbre de mon cimetière préféré.
N’est pas Charlie Brown qui veut.
Chris Ware vend avant tout des objets et un style, ce qui n’a jamais suffi non plus à faire une œuvre, mais qui épate toujours le chaland qui passe, surtout celui qui ne pratique l’art séquentiel que du bout des yeux. Les effets de collage et les petites pages en patrons à découper ne sont pas gênantes, elles n’ont aucun intérêt particulier non plus, l’auteur se fait plaisir pour pas cher et enchantera les plus influençables d’entre vous, pourquoi pas… La mise en page est souvent pénible, ce qui est bien plus grave, parfois à la limite du lisible ce qui est complètement idiot. Finalement, je n’en sauve que certaines cases muettes et sans personnages qui rendent grâce à des coloris particuliers, le graphisme des humains étant d’une laideur absolue et ne gagnant même pas en efficacité ce qu’elle perd en simplicité.
380 pages à suivre un abruti congénital au faciès de suppositoire, c’est peut-être un peu trop pour moi, je vous l’avoue tout de suite.
Au bout de 90 pages, l’auteur nous offre un résumé en deux pages d’une grande limpidité, pour la première fois, l’humour point à bon escient, les effets ne tombent pas à plat, et on se demande juste pourquoi on s’est tapé les 90 pages de purge qui précèdent au lieu de ces deux petites merveilles… Si on étale ce principe à tout l’ouvrage (ce que l’auteur ne fera pas, hélas), l’imagination s’égare…
A un moment, l’auteur est perdu, il se rend bien compte qu’il improvise dans le vide, que ça se voit de plus en plus, alors il nous raconte l’enfance du grand-père, 90 ans plus tôt, ce qui change agréablement, même si l’enjeu reste toujours aussi inexistant. Ne connaissant rien d’autre à raconter que son nombril, Chris Ware donne au môme de 8 ans du siècle précédent les mêmes caractéristique qu’à son grand dadais trentenaire au visage de spermatozoïde, vous allez me dire qu’à 8 ans, c’est plus logique, et c’est vrai, mais la redondance est laborieuse et la logique absente.
L’incapacité de voir en Jimmy Corrigan/Chris Ware un frère humain fait-elle de moi un monstre sans entrailles dénuée de la plus petite portion de charité chrétienne ? Un monceau de critiques surréalistes et de notes injurieuses pour un art qui mérite bien mieux que quelques éjaculations de puceau mal branlé qui se rêve en superman finiraient presque par me le laisser croire si l’habitude maintenant bien ancrée de vous voir noter n’importe comment les pires œuvres dessinées n’était pas là pour me rassurer sur mon âme et ma santé mentale.
A la réflexion, je me trouve bien généreux avec une œuvre plus putassière qu’il n’y parait et esthétiquement plus que douteuse, mais je me souviens avoir lu quelques mots de ce bon Hobbes qui comparait ça à l’échec de Larcenet en la matière, et c’est vrai que la comparaison joue en faveur du suppositoire, ce qui n’était pas particulièrement difficile.
Ah oui, j’oubliais, vous adorez aussi ce genre de choses… Dieu vous à probablement mis sur terre pour me pousser au désespoir, mais ne vous réjouissez pas trop vite, ma patience est visiblement sans limites, je suis venu à bout de Jimmy Corrigan...