Drôle d'objet que cette fausse version pirate de Toxic - fausse parce que totalement prise en charge par l'auteur lui-même - où toutes les planches ont été montées dans un désordre à la William Burroughs. La couleur vive et puissante à la Hergé, et qui faisait la nouveauté (et l'une des grandes réussites) de cette série, laisse ici place à un noir et blanc rappelant Black-Hole. De nouvelles cases apparaissent, et surtout tout est écrit en symboles, chaque lettre correspond à une lettre de l'alphabet anglais, ce qui demande un décryptage (et en plus c'est totalement bourré de coquilles...).
Aussi serait-ce mentir que de dire que les choses vont de soi au début. On va chercher son calepin, on fait son petit alphabet en cherchant les correspondances possibles. Mais non on s'accroche et ça finit par rentrer, l'opération mentale se fait, on progresse lentement après. La lecture devient plus cryptique, presque incantatoire même ; il va de soi qu'il faut être un peu mordu à la dope Burns pour aimer ça...
Johnny 23 fait donc assez fort. Étonnamment le décodage a le mérite de vraiment faire poser les yeux sur les cases, puisqu'il faut du temps pour les déchiffrer, et cela permet de découvrir pas mal de petits détails passés inaperçus dans Toxic. Le ré-assemblage des planches crée des rapprochements étonnants et signifiants, loin d'être gratuits à première vue, et proposent des ponts que Toxic ne faisait pas. Et j'ose espérer, puisque j'en suis encore au début de ma lecture, que des indices vont filtrer pour mieux éclairer l'intrigue de la trilogie, en faisant de ce Johnny 23 une sorte d'éclairage différent, plus sombre peut-être de l'ensemble, et allant chercher peut-être plus profond ce que Toxic nous donnait à lire plus en surface.