Gangster Number One
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le 29 mai 2014
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On ne sait pas comment, après plusieurs années dans sa cellule pour malade mental, le Joker vient d'être libéré de l'asile d'Arkham. Il se retrouve alors lâché dans un Gotham nocturne chaotique, une cité qui n'est plus à sa botte. Tous les petits caïds et les grosses pointures se partagent désormais ce qu'il estime être son territoire, son monde et on le comprendra bien assez tôt, son terrain de jeu.
Devant l'asile, l'attend celui qui sera surnommé Jonny Jonny. C'est une petite frappe sans influence, le seul ayant eu le courage de venir chercher le Joker. Il ne cache pas son ambition d'apprendre à ses côtés et ainsi devenir aussi puissant que lui, ce sera à travers ses yeux fascinés que nous suivrons la reconquête de la ville par le Joker...
Je ne vais pas longuement revenir sur les qualités de ce roman graphique. C'est une immersion totale dans un monde de désolation où le crime et la corruption sont toujours les maîtres mots. On y découvre un Gotham réaliste et un Joker plus vrai que nature. Brian Azzarello pousse ses réflexions sur la complexité du personnage au point de soulever de très nombreuses interrogations quant à ce qu'il représente pour les autres et ce qu'il est réellement. On y découvrira également un rapport très intéressant et ambigu avec le chevalier noir. C'est sous le trait réaliste et remarquable de Lee Bermejo que cet univers de violence prend forme. Un comics que je vous conseille vivement, dont deux lectures successives m'ont été nécessaires pour l'apprécier pleinement et le comprendre un peu mieux.
Et c'est en analysant ma réflexion "Et si le Joker n'était pas le seul grand taré de l'histoire ?" que je risque de spoiler un peu et beaucoup. Avant d'en venir au coeur de cette interrogation, j'aimerais avant tout partager quelques éléments entourant ce personnage atypique sans origines qu'est le Joker, cet être mystérieux et mystique.
Le Joker est une figure qui a marqué l'histoire de Gotham. Avant d'être enfermé dans l'asile d'Arkham, il était le maître incontesté des lieux. Tout le monde avait sa place, car tout le monde le craignait. Aujourd'hui, alors qu'il n'a plus d'influence, il découvre un Gotham désordonné avec beaucoup trop de caïds en tout genre.
Pour reconquérir ce qui lui revient de droit, pense-t-il, il compte sur une seule chose, la peur qu'il inspire. Et on le voit bien, ce Joker fait peur à tout le monde. En plus d'être un clown sans pitié avec les petits opportunistes, son imprévisibilité effraye et met Cobblepot à genoux, sa folie tourmente Double face, sa violence gratuiteet soudaine interpelle Jonny Jonny, ...
Mais l'argent il n'en a que faire. Ce qu'il semble vouloir c'est s'amuser, briser la monotonie de l'existence et vivre au gré de ses humeurs dans son plus beau terrain de jeu, Gotham, où l'imprévisible est un moteur fantastique. S'il tue les petits gangsters sans envergure, les pontes que représentent Harvey Dent ou encore le Pingouin il les laisse vivre. Il a en effet besoin d'eux pour donner un sens à cette maladie qu'il est et qu'il accepte volontiers.
Dans la ville rôde une ombre, une ombre qui procure à l'existence du Joker son sens ultime.
Jonny Jonny qui a essayé de lui ressembler se rend bien compte qu'il est impossible ne serait-ce que de s'en rapprocher un petit peu. Le Joker c'est le mal incarné. Il a éteins depuis bien longtemps sa conscience pour se laisser aller ou alors le laisse-t-il croire.. Il peut être le gars le plus compatissant du monde et vous dépecer dans la minute qui suit. Mais on comprend vite que s'il n'a pas d'ambitions clairement définies, il agit dans un but ultime, celui qui l'a toujours poussé à aller plus loin dans ses méfaits sanglants, celui de provoquer la seule chose qui lui est supérieur et capable de donner un sens à sa folie, la seule chose qu'il respecte véritablement, cette ombre nommée Batman.
Et c'est finalement là que je veux en venir : "Et si le Joker n'était pas le seul grand taré de l'histoire ?". En effet, dès sa sortie d'Arkham, le Joker sent dans l'ombre une présence qui l'observe. Alors qu'il continue à nettoyer la ville de toutes ses crapules, le Joker s'amuse de voir que le chevalier noir n'intervient toujours pas. Pour le provoquer le Joker va aller plus loin dans sa quête meurtrière contre les gangs lui ayant volé sa ville. Mais le chevalier noir reste le spectateur invisible et impassible de l'épuration par le Joker de toute la racaille de Gotham.
Mais pourquoi ? Pourquoi le protecteur de Gotham, l'ombre qui ne tue pas laisse ce monstre de Joker éliminer toutes ces crapules ? Peut-être parce que Batman lui-même le désir au plus profond de lui. Peut-être accepte-t-il enfin ce nettoyage mortel que lui-même ne peut se résoudre à faire, car sa conscience le lui refuse. Batman ne tue pas, mais semble offrir au Joker la possibilité de le faire pour lui. Et cela, le Joker le comprend, il se prend au "jeu". Indirectement protégé par le regard vigilant de Batman, il va remplir cette mission particulière jusqu'à sa rencontre tant désirée avec cette ombre dans la nuit.
Après le meurtre sanglant d'un gangster, le Joker scrute dans la nuit les toits de Gotham :
Hum... c'est pas assez pour toi, hein ? T'as besoin de moi pour faire ton sale boulot ? J'avoue, j'ai visé bas...
Les deux personnages partagent un lien fort. Le Joker est une maladie, un virus qui se propage dans les rues de Gotham, rien ne peut l'arrêter si ce n'est Batman. Mais nous ne parlons pas ici de Batman en tant que rémede, mais en tant que "Batman". "Juste un Batman" peut arrêter la progression du virus. Et dans cette aventure écrite par Azzarello, le chevalier noir se sert de la maladie pour faire ce nettoyage, ce n'est que plus tard qu'il apparaîtra et appliquera sa justice afin de finalement étouffer le virus.
Ce début de réflexion (qui pourrait évoluer au fil des lectures) me plaît bien, car il est sujet à de nombreuses interprétations. J'aime l'idée d'un Batman restant caché en attendant que le Joker, sans aucune limites, fasse son travail. Nous aurions donc là un Batman résigné, testant une méthode drastique et dangereuse sans vraiment y prendre part. C'est seulement quand le point de non-retour est atteint que le chevalier noir intervient.
Ainsi pour conclure, nous ne savons toujours pas comment le Joker malgré ses antécédents a pu être libéré. Ses ennemis se poseront la question, mais le Joker n'y répondra pas, tout en donnant l'impression de savoir. Et si... et si Batman n'y était pas pour rien dans cette soudaine libération... et si Batman lassé de ses propres échecs à éradiquer le crime et la corruption testait de nouvelles méthodes plus draconiennes en déléguant indirectement sa croisade à quelqu'un de plus radical, au plus grand malade de Gotham, le Joker ?
Et si Batman était l'autre grand taré de l'histoire ?
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les indispensables chez DC Comics
Créée
le 6 avr. 2016
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