C'est une sensation inhabituelle qui naît au générique de fin de Ma Loute quelque part entre la poésie tragique et l'incompréhension totale. Toute la séance durant, le ressenti n'a de cesse d'osciller. Si le burlesque se déploie jusqu'à écoeurement, les nombreuses métaphores du monde d'aujourd'hui sont, elles, mises en scène avec inventivité et parfois génie.
Bruno Dumont ne nous facilite pas vraiment la tâche en nous plongeant dans son univers loufoque sans vraiment nous préparer le terrain. Ce n'est que tardivement que l'on commence à comprendre les intentions et à enfin saisir la cohérence d'une oeuvre qui côtoie la folie des Hommes et le réalisme de la vie.
En abordant des thématiques comme l'identité sexuelle, les clivages sociaux ou encore les apparences, l'auteur distille ses idées comme autant de finalités fatalistes que de symboles d'espoir. C'est avec ses personnages qu'il illustre les différents arcs de son métrage lunaire. Fabrice Luchini, Juliette Binoche, Raph et Didier Despres en tête composent d'incroyables portraits, parfois irritants, hauts en couleur qui dissimulent derrière le burlesque omniprésent une réalité bien plus grave.
Peut-être Bruno Dumont ne mérite-t-il pas de grands éloges tant ses idées ont tendance à mal s'équilibrer et s'imbriquer dans une narration pas toujours pertinente, mais il est loin de mériter des commentaires aussi gratuits que ceux que j'ai pu entendre à la sortie de la séance par un trio qui s'attendait certainement à voir du cinéma populaire comme on en bouffe par palettes.
Ma Loute est un film qu'il est impossible de noter, du moins cela semblerait injuste. Sa folie furieuse, son audace créative et son réalisme fantasmé sont autant de qualités indiscutables. Encore faut-il être réceptif à un ton général loin d'être accessible ou compréhensible au premier coup d'oeil.
P.s. Comme à la publication d'un avis Senscritique demande une note, je mettrais un simple "5+" en attendant de revoir le film avec toutes les cartes en main offertes par sa dernière partie.