C’est con à dire mais Lucky Luke ne me manquait pas. Je lui dois pourtant une fière chandelle au précoce de la gâchette quand j’y repense. C’est un peu beaucoup grâce à lui - et aux nombreuses heures à les recopier, lui et ses acolytes – que j’ai conservé une certaine intégrité physique dans la cour de l’ecole élémentaire Jules Verne de Ploërmel ou au collège Mathurin Martin de Baud, en ne me faisant pas du tout casser la figure. En effet, à ces âges, les dimanches après-midi en visite chez la grand mère, pluvieux et sans fin n’étaient supportables qu’un crayon à la main, à suer sur les carnets publicitaires d’un oncle couvreur ou sur des agendas périmés offerts par la banque ou le boulanger, en essayant de reproduire au mieux les figures héroïques d’une enfance à l’ouest où l’on mangeait du far à l’heure du goûter..
Du coup j’ai peu à peu gagné une sorte de respect discret - comme celui qui crache super loin, l’autre qui siffle trop fort avec ses doigts ou celui qui, à ce qu’il paraît, a déjà « bité » - en devenant le mec qui sait dessiner Lucky Luke par cœur. Merci à lui.
Pourtant il ne m’a pas manqué depuis cette adolescence désormais brumeuse et n’en est ressorti que par la grâce de Bouzard. Au fil des années j’avais fini par remplacer le cowboy, le groom, les gnomes bleus ou verts et la coccinelle par des Mr Jean, Mr Ferraille, des John Difool, des aventures de lapin ou de canards mûrs pour la vie de célibataire et d’un type avec un ballon de volley cousu sur la figure. Niveau humour on n’était plus chez mémé et ce type là, le Bouzard, pourrait dessiner un caillou qu’il serait rigolo. Je ne sais pas comment il fait mais il arrive à avoir un trait aussi drôle que ses textes. Tout est au même niveau. L’histoire, les dialogues, le dessin, tout est aussi marrant, c’est pas croyable. Je sais pas comment il fait. Le batard.
Bon, évidemment son Lucky Luke est mis à sa sauce, il ne fait pas le malin comme dans ses albums habituels mais en même temps il est plus vrai. D’ordinaire taciturne on le retrouve plutôt chiffonné et très bavard au début de l’album. L’état de Jolly Jumper (le personnage blond qui l’accompagne partout) l’inquiète et il a besoin d’en parler car il ne comprend pas.
C’est un peu ce qui caractérise son Lucky Luke comme beaucoup de ses personnages : il ne comprend pas grand chose, il est même limite un peu con mais très sensible alors on l’excuse. On voit bien qu’il fait plein d’efforts pour rallumer la flamme dans leur vieux couple mais rien n’a faire, Jolly Jumper ne répond plus et on sent notre cowboy vraiment solitaire pour le coup. Évidemment, qui dit far-west dit aventure et grand espaces, la formule est appliquée, le décor et l’histoire déroulés mais toujours un poil de traviole. On y croise donc quelques personnages emblématiques de la série, revus et corrigés mais, comme pour Lucky Luke et son cheval avec cette touche de réel (si si, pensez-y) qui rend le tout encore plus absurde et drôle.
Je n’ai pas franchement envie de me replonger dans mes vieux albums mais le personnage m’est redevenu sympathique, je vais plutôt relire Plageman tiens.