Juliette. Nous tous, dessinés dans des cases toutes simples de la vie quotidienne mais aussi dans des tableaux fourmillants de détails aux couleurs éclatantes. Nous nous voyons à travers nos propres yeux dans le personnage de Juliette. Une expérience troublante, fascinante comme quand on se regarde trop longuement dans un miroir : au bout d'un moment on ne se reconnaît plus et en même temps on ne s'est jamais aussi bien vu.
Et puis peu à peu on s'aperçoit que la sœur de Juliette, son père, sa mère, sa famille, les repas en famille, les rencontres qui comptent, les crises de jalousie, les "au revoir" difficiles, les malentendus ; tout ça, on connaît très bien... mais jamais nous n'aurions pu mettre de mots si plein de justesse dessus. Et Juliette nous les souffle, nous les dit, nous les hurle à la figure... si bien qu'on en reste perplexe. Quel talent !
Puis il y a cette fin qui n'en n'est pas vraiment une. On la connait tous et on sait que justement il y aura encore plein d'autres repas en famille, plein d'autres belles rencontres, plein d'autres moments qui comptent, plein d'autres canards, plein d'autres départs pendant lesquels on se demandera si on a bien vécu tout ça... parce que c'est passé si vite, comme si ça n'avait jamais eu lieu.
Présenté ainsi, Juliette peut paraître cliché et on se dit que des œuvres qui racontent la vie, le quotidien, c'est pas ce qui manque. C'est vrai, mais la force de cette BD est de ne jamais en faire trop, ne jamais tomber dans le pathos, ne jamais être niais. Ici, tout est raconté de façon simple et vraie, tout sonne juste - à tel point que nous restons fascinés par le moindre détail, par le moindre dialogue.
-Vous croyez que je vais rester comme ça toute ma vie ?
-Comme quoi ?
-J'en sais rien... J'en ai marre d'être comme ça...
-Comment ?
-J'en sais rien...
-Et sinon vous...
-Je vais y aller
-Oh pardon.
-Non c'est... ok...