Les lecteurs français avaient déjà pu découvrir la qualité de la série JSA de 1999, lancée par James Robinson puis poursuivie par Geoff Johns, grâce à la sortie de deux imposants tomes par Panini Comics en 2007. Bien évidemment épuisés depuis, ces deux volumes n’avaient d’ailleurs pu couvrir que les 24 premiers épisodes.
Urban Comics réedite cette série d’une excellente manière par le biais de sa collection DC Chronicles qui publie chronologiquement les aventures des héros DC, ne se cantonnant pas qu’au titre principal mais aussi aux dérivés. La démarche est particulièrement intéressante pour la Justice Society of America, où l’année 1999 est une étape doublement intéressante.
Rappelons d’abord l’importance historique de la Justice Society, qui fut avec le All-Star Comics n°3 de l’hiver 1940-1941 le premier comic-book rassemblant une équipe de super-héros mais aussi la première occasion d’un crossover, avec deux compagnies proches mais alors indépendantes et qui finiront par devenir DC Comics. A plusieurs reprises la série fut relancée, sous différents angles, contribuant à alimenter une mythologie gigantesque avec ses quelques coups du sort (accusés d’être trop ancrés dans le passé, plus d’une fois les héros de la Justice Society firent les frais de coups de balais) mais aussi de belles productions, à l’image du méconnu mais crépusculaire JSA: The Golden Age de 1993.
Ce dernier était signé d’un certain James Robinson, qui sera à l’oeuvre pour la relance de la franchise de cette année 1999 tandis que différents héros en lien avec l’équipe furent remis sur le devant de la scène sous des nouvelles formes (Starman de James Robinson, encore, Stars and S.T.R.I.P.E. de Geoff Johns, Hourman réinterprété par Grant Morrison dans les pages de la JLA, etc.). Une fin de siècle qui s’annonce donc bouillante pour des héros d’un autre temps, le projet était audacieux et pris la forme d’un double programme qui reprit l’ADN de la franchise pour mieux l’exploiter : des aventures dans les heures glorieuses de la Justice Society avec les 9 épisodes de The Justice Society Returns puis le démarrage d’une nouvelle série dans le présent avec quelques membres historiques et de nouveaux prétendants.
The Justice Society Returns a ainsi permis de redéfinir l’essence de certains protagonistes face à une menace commune, pour mieux rappeler l’importance de l’équipe à cette époque passée. Conformément à une tradition passée, Hourman, Starman, Atom, le premier Flash et les autres ont ainsi droit à des aventures séparées (cependant en duo) mais un but commun. La récurrence est malheureusement trop visible, l’ennemi et ses sbires à abattre bien transparents, mais les histoires signées James Robinson, Ron Marz, Geoff Johns et d’autres sont plaisantes dans la description des personnages héroïques présentées, avec quelques nuances loin d’une vision glorieuse et passéiste de ces héros. Quelques éléments de The Golden Age, pourtant situé hors de la continuité, sont ainsi repris. Aux pinceaux, différents artistes sont présents, avec une sensibilité plus classique, respectueuse d’un certain temps sans être prisonnier de l’honnage et vraiment réussie : Michael Lark, Russ Heath ou Chris Weston notamment offrent ainsi de très belles planches.
Ce projet bien que trop étiré pour son propre bien et manquant de véritable menace a tout de même permis de poser quelques bases, que la série JSA allait reprendre et poursuivre, tout en prenant place dans l’époque d’alors. La riche histoire de la série, de ses personnages ou de ses ennemis est dont employée, tout en avançant vers de nouvelles directions, faisant évoluer ses héros et arrivant à créer un effet de groupe, presque de famille, qui fait tout le sel de cette licence. En effet, ses personnages ont partagé de nombreuses aventures, se sont réunis pour différentes menaces mais ont aussi appris à se connaître et se respecter. Un héritage et un état d’esprit qu’il faut transmettre aux nouvelles générations, aux nouveaux héros qui ont repris le flambeau de leurs anciens collègues qui ne sont plus de monde. Les relations entre générations sont mises en avant et bien exploitées. Cette nouvelle série n’oublie pas donc cet historique mais l’exploite de belle manière, pour aller de l’avant, avec des aventures entraînantes et des personnages bien utilisés malgré une grande galerie d’illustres personnages.
D’autres épisodes annexes apparentés à la JSA sont aussi présents. En dehors de la complétion, certains sont bien accessoires, mais le JSA Secret files & Origins permet ainsi de faire le point entre l’équipe passée et moderne avec des fiches de personnages bien pratiques pour restituer tout ce grand monde. L’histoire de la série est riche et enivrante, et on peut prendre le livre sans avoir son bac +3 en Justice Society, les épisodes ne laissent vraiment personne sur le carreau. Mais en savoir un minimum reste appréciable, et quelques éléments de rédactionnel dont le récapitulatif de Yann Graff sont très utiles.
Ce JSA année 1999 est donc un grand cru, à la fois révélateur des qualités passées ou récentes d’une série ancrée dans le passée mais qui s’est toujours renouvelée, notamment grâce à cette reprise en main principalement signée de James Robinson, David S. Goyer et Geoff Johns. Le genre héroïque reste respecté, avec une certaine grandeur, loin de certains tics des années 1990 (sans ninjas, sans cyborgs et sans gros flingues), pour des aventures classiques mais vitaminées par des équipes créatives impliquées et respectueuses. Quelques épisodes sont plus anecdotiques, mais le panorama de 1999 est ainsi complet.
Pour ceux qui sont sensibles à ces qualités, la lecture du premier tome ne pourra qu'entraîner celle des suivants, avec les années 2000, 2001 et 2002.