Petite malle aux trésors concoctée par Urban Comics, la collection des Chronicles se poursuit avec ce nouveau tome de la Justice Society of America avec la suite de la série régulière et quelques épisodes ou mini-séries annexes.

Pour rappel, après avoir été délaissée suite à l’évènement Crisis de DC Comics, voire exterminée de ses meilleurs éléments par la suite, et à la suite de l'excellent The Golden Age, l’équipe de la Justice Society connaît une nouvelle popularité à la fin des années 1990. Son concept, faisant un lien entre plusieurs générations de héros costumés, prend son sens en cette fin de siècle où le jeunisme d’Image Comics avait ringardisé quelques années avant Marvel et DC et qui alors semblaient oublier leur passé et son héritage.

L’équipe a lors droit à un nouveau titre pour faire ses preuves et justifier de sa place, une relance réussie grâce à James Robinson et David S. Goyer. Le premier quitte le navire après 6 numéros pour être remplacé par un petit jeunot, Geoff Johns, qui allait quelques années plus tard devenir l’un des grands manitous de DC Comics. A la fin de 2001 il devient le seul maître à bord de la série.

J’avais déjà exprimé ma grande sympathie pour le premier tome consacré à cette année de renouveau que fut 1999 pour la série. La reprise par le petit débutant (à l’époque) Geoff Johns était plus laborieuse, tirant un peu trop la corde du passé et laissant à l’écart les curieux peu à l’aise avec près de 50 ans de continuité éditoriale.

Et pourtant la suite de la série relève vraiment le niveau avec ce troisième tome. Geoff Johns consolide son équipe, créant et développant de nouveaux liens, invoquant avec une plus juste mesure des éléments du passé. La Société de Justice se présente alors comme une vraie équipe, presqu’une famille où chacun prend soin de l’autre, malgré quelques inévitables anicroches. La plus jeune génération peut ainsi compter sur l’expérience des vieux briscards, tandis qu’eux savent les responsabilités qu’ils doivent transmettre à ces nouveaux héros tout en bénéficiant de leurs qualités et de leur enthousiasme.

Au fur et à mesure de ses histoires, Geoff Johns réequilibre différemment les rangs, mettant en avant certains, tandis que d’autres sont mis sur la touche ou mobilisés ailleurs. Un vrai travail d’orfèvre pour gérer une équipe aussi nombreuse, même si le scénariste a bien sûr ses petits chouchous. Dans cette année 2001, l’arrivée de Black Adam crée une première dynamique, le super-vilain voulant s’intégrer et se repentir, ce qui n’est pas si facile à accepter pour tous d’autant qu’il garde son caractère hautain et suffisant.

Mais le principal ajout de cette année à la recette interne de la Justice Society est le retour d’Hawkman, membre historique mais complètement malmené par des histoires parfois intéressantes mais souvent contradictoires, entre son héritage de pharaon réincarné au fil des siècles et ses liens avec une société extra-terrestre. Son retour ne règle pas toutes les contradictions passées, mais permet de faire revenir un personnage fort, noble et volontaire, au caractère bien trempé. Son arrivée va de pair avec le développement depuis le début de la série de la nouvelle Hawkgirl, dont les secrets sont maintenant révélés. Mais si les mystères s’envolent, le couple qu’elle est sensée former avec Hawkman la dépasse et crée de nouvelles pistes à suivre.

De nouveaux enjeux apparaissent ainsi au sein de l’équipe, et dans ce troisième tome là-encore des pistes sont lancées dont on devine qu’il faudra encore d’autres tomes pour connaître leur dénouement, Geoff Johns tissant une toile avec soin. Ces éléments permettent de se rapprocher des membres de la Société de Justice, de vivre à côté d’eux les difficultés malgré les compétences surhumaines en leur possession.

Ces capacités seront mises à profit pour plusieurs grandes aventures mais qui sont toujours reliées à des enjeux de membres de l’équipe. Le retour d’Hawkman ne peut pas se faire sans une menace à affronter, tandis que la Société d’Injustice organise son match retour après une sévère déculottée lors de quelques épisodes précédents. Enfin, la nouvelle arrivée Roulette et son casino sous-terrain où sont emmenés à un abattoir ludiquement mortel les super-héros manque encore d’originalité, mais la révélation de son lien avec un membre passé de la JSA ne peut que créer une certaine curiosité sur la suite qui sera donnée à cet élément.

Ces grands vilains à affronter restent dans un cadre classique, avec peu de nuances dans le manichéisme, comme ceux rencontrés auparavant. Mais leurs affrontements sont mieux mis en avant, avec ce qu’il faut de petits rebondissements tout en jouant avec les caractères des héros mobilisés. Certains se révèlent même avec une dangerosité ravivée, dans un format épique old-school mais excitant à lire.

Dans la veine des précédents volumes, celui-ci comporte quelques autres pièces relatives à la Justice Society parues en 2001. Les deux volumes de Secret Files & Origins proposent des histoires courtes dont il vous sera épargné la présentation mais malgré tout assez intéressantes. Quelques fiches de personnages permettent de réviser son diplôme en Société de Justice avec les pages d’explications de Yann Graf entre certains épisodes. D’autres auteurs que ceux de la série s’amusent avec l’équipe pour ces épisodes, mais Geoff Johns y participe, avec quelques liens vers la série mère. Il signe aussi un épisode spécial en lien avec le crossover de l’époque, Our Worlds at war, assez plaisant avec son casting All-Stars. Le scénariste démontre ainsi que l’écriture de la série ou de ses dérivés ne peut se faire sans lui, et c’est un juste retour des choses à la mesure de son investissement.

Au crayon, Stephen Sadowsk continue à mener la série. Le trait semble de plus en plus s’affirmer, il est classique et lisible, tout en sachant accompagner les passages les plus mouvementés par des compositions réussies. Mais il est parfois remplacé par d’autres dessinateurs pour quelques épisodes et notamment ceux annexes. Peter Snejbjerg est assez impressionnant avec son trait baroque, très expressionniste, mais il n’est là que pour une aventure isolée. Rags Morales n’est guère plus présent, avec trois épisodes (dont un en collaboration avec d’autres) mais son trait plus lourd, plus massif, fait véritablement du bien à la série. Son Hawkman en impose, avec une autorité presque surnaturelle.

De manière plus générale, les dessinateurs conviés à travailler sur JSA ou ses mini-séries ou épisodes spéciaux sont d’un bon niveau, qui démontrent que DC avait tout de même un peu d’intérêt pour sa licence pour ne pas la laisser aux tacherons de l'époque. Ils n’auront pas la même renommée que d’autres des auteurs phares de cette époque, et c’est parfois regrettable pour certains qui offraient un travail bien mené.

Ce troisième volet revient donc en force, balayant les incertitudes et les mollesses des deux premiers, malgré leurs quelques qualités. Geoff Johns s’affirme et s’amuse avec son équipe qu’il consolide et déploie sur plusieurs plans, avançant ses pions vers de nouvelles intrigues pour le futur. Du super-héros avec tout ce qu’il faut de bon et de classique, à la fois tourné vers le passé et inscrit dans la modernité.

SimplySmackkk
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le 11 juin 2024

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