Suite et fin de ce formidable voyage
Dans un monde désolé, ravagé par « le Grand Désastre », les règles sont sens dessus dessous et ce sont les hommes qui servent d’esclaves aux animaux ! Kamandi, seul individu libre poursuit son périple, rencontrant des dauphins supérieurement intelligents, dressant des aigles géants ou bien retrouvant les dernières reliques d’un certain Homme d’Acier…
Le voyage de Kamandi continu donc ! Le dernier humain intelligent de la Terre poursuit sa quête d’autres comme lui à travers un monde dévasté par le Grand Désastre. Et à la faune déjà bien loufoque et farfelue croisée dans premier tome, Kamandi va découvrir à travers ces quatre cent quarante pages, une cavalerie lourde de chiens, des lézards adorateurs d’une montagne lumineuse, des crocodiles se battant pour une piscine, des dauphins encore plus intelligents qu’à l’accoutumée ou encore des ânes hispaniques… Mais sa rencontre la plus inattendue sera celle de la belle Pyra, extraterrestre de son état ! Oui, encore une fois, l’imagination de Kirby n’a pas de limites ! Et j’ai envie de dire tant mieux, car même si tout cela est totalement impossible, le récit de Kirby est cohérent, réfléchi et se base bien souvent sur les connaissances et les croyances de l’auteur.
Voici déjà le deuxième et ultime tome de Kamandi de King Kirby ! Vingt nouveaux chapitres passionnants, vingt nouvelles histoires captivantes, vingt nouveaux voyages dépaysants, vingt nouvelles rencontres inattendues. Dans la lignée du premier tome, l’odyssée de Kamandi se poursuit à travers un monde méconnaissable, où les hommes ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, du simple bétail à la disposition d’animaux intelligents, mais glissant sur la même pente savonneuse que les humains jadis. Une oeuvre toujours aussi riche, toujours aussi captivante !
Dans sa quête quasiment morte née de découvrir d’autres hommes comme lui, Kamandi continu de traverser ces terres, ces pays qui n’ont que quelques ruines pour nous rappeler ce qu’ils étaient par le passé. Kirby va emmener notre héros solitaire à travers des endroits encore plus fous, encore plus lointains, encore plus dangereux. En effet, à travers ce tome deux, Kamandi va participer à une guerre entre dauphins et baleines tueuses, avant de se retrouver sur une île au manoir hanté par un chat victime d’expériences passées sur ses ancêtres, il va ensuite traverser une région peuplée d’insectes géants, il assistera alors à une guerre entre des braconniers léopards et des soldats de l’Organisation du Testament de l’Atlantique Nord ou OTAN, s’ensuit une bataille navale entre le prince Tuftan et les pirates gorilles où Kamandi et le docteur Canus vont être emmené sur une station orbitale russe par une extraterrestre (sur Terre pour trouver une source d’énergie pour sa planète), sur cette station notre trio va découvrir un cosmonaute ayant survécu au Grand Désastre grâce au yoga mais ayant muté en un monstre effroyable. Petit chapitre de repos dans un hôtel particulier où une seule règle règne : le client a toujours raison ! Tous les agissements ne se basant que sur ce simple postulat de base. Kamandi finissant par se faire enlever par des humains mutants ne vivant que cinq ans et voulant l’accoupler à l’une des leurs pour leur permettre de vie plus longtemps, Kamandi finira par s’enfuir avec l’une d’eux et d’échouer dans un village de lézards adorateurs d’une montagne où la lumière et la chaleur sont éternelles…
Oui ! Tout ce périple en seulement un seul tome. Cette aventure extraordinaire sera bien entendu ponctuée de rencontres farfelues, de retrouvailles et de découvertes dont Kamandi ne se doutait absolument pas. Kirby ne nous lâche pas une seconde, de par ses dessins rythmés aux coups de crayons puissants et de par sa narration sans temps morts. Le pauvre Kamandi ne se repose jamais, ne nous laissant pas la moindre possibilité de pause dans notre lecture. De toutes les façons, à aucun moment nous n’éprouvons cette envie, ce qui arrive à Kamandi étant tellement passionnant, tellement captivant et surnaturel ! Même si j’avoue, que l’arrivée de l’extraterrestre Pyra m’a semblé un rien hors-sujet. Je ne pense pas que cette présence soit vraiment indispensable, hormis pour le voyage sur la station spatiale et ainsi découvrir un peu du mystère du Grand Désastre…
Comme pour le premier tome, tout n’est pas parfait, des questions restent en suspend, des raccourcis sont pris par Kirby. Mais au final ces questions ne sont pas importantes, et ces raccourcis servent le récit, servent au rythme de l’action et permettent à Kirby d’éviter des dialogues à rallonges et sans doute bien trop pompeux risquant de perdre le lecteur. Il faut savoir par moment sa satisfaire du merveilleux et de se laisser voguer par son imagination pour en savoureux l’absence de limite et d’impossible.
Petit bémol cependant sur les trois derniers chapitres, où Kirby ne signe plus que les dessins. Le scénario allant Gerry Conway. Et même si j’adore ce dernier, et qu’il n’a fait que suivre le scénario du King, la narration n’est plus tout à fait la même. Faisant même un peu forcée par moments. Rien de préjudiciable, mais qui existe malheureusement.
Après, ce qui est intéressant dans Kamandi, une fois ces quarante chapitres de dévorer, c’est de s’amuser à faire une deuxième lecture plus posée pour se rendre compte de toutes les références qu’utilisent Kirby, ainsi que toutes ses inspirations. Il y a les choses faciles à repérer, les choses concrètes comme l’OTAN dans ce deuxième tome. Mais il y aussi et surtout, une forte inspiration religieuse dans Kamandi. Difficile de ne pas penser à Adam en pensant à notre héros, seule homme sur Terre, premier homme sur Terre. Cela devient encore plus évident lors du chapitre #38 où les mutants veulent créer d’autres hommes à partir du génome de Kamandi, Eve étant faite à partir d’une côte d’Adam.
Mais Kamandi peut également, et facilement être assimilé à Noé. Ils sont les seuls témoins du monde d’avant, survivants du Déluge et du Grand Désastre, et ayant un lien affectif très fort avec un aïeul très sage. Son grand-père pour Kamandi, son arrière-grand-père pour Noé.
Ce Grand Désastre qui ressemble tellement à une punition divine, à un châtiment biblique, que même Superman n’a pu empêcher, l’Homme d’Acier succombant en perdant une seconde planète. Les hommes sont-ils la raison de ce Grand Désastre, il n’y a rien de plus certain. D’où leur régression au stade de simple bétail benêt. Cela devient plus flagrant que les humains sont responsables, en constatant que les animaux, devenus les nouveaux « humains », agissent de la même façon tragique, en ne faisant que de se battre et de guerroyer.
La religion n’est pas la seule inspiration, consciente ou non de King Kirby. Il puise en effet beaucoup du côté des grands auteurs de littérature. Et si celle envers Jonathan Swift et les formidables voyages de Gulliver, surtout le quatrième au pays des chevaux intelligents étonné de voir un homme qui parle, est assez facile à faire, elle d’autant plus avec le chapitre où Ben devient un géant dans le chapitre #31, « L’effet Gulliver ».
Que dire encore du prince Tuftan citant du Shakespeare.
Citons aussi La Faune de l’Espace d’Alfred Van Vogt. Récit de science-fiction où les espèces, souvent extraterrestres, s’enrichissent des expériences, des savoirs d’autres espèces pour assure la survie de la leur. Difficile de ne pas faire le parallèle avec les différentes espèces d’animaux dans Kamandi.
Bref, c’est encore meilleur que le premier volume, avec cependant un énorme point noir ! C’est fini ! Toujours difficile de quitter un héros qui nous a tellement happé dans son univers, qui a su nous captiver aussi facilement, aussi magnifiquement. Toujours aussi frais et dépaysant, on se laisse guider par l’imagination débordante de Jack Kirby, prenant plaisir à découvrir, à chaque chapitre les nouvelles surprises qui vont tomber sur notre pauvre héros, qui ne cherche au final qu’à trouver quelques hommes comme lui.
Kamandi est un merveilleux voyage, que tous les lecteurs de comics doivent avoir fait au moins une fois dans leur vie. C’est une lecture passionnante, riche en action et rebondissements, mais également une véritable réflexion sur la nature humaine, bien que l’auteur s’en défende, affirmant ne chercher qu’à divertir le lecteur. Laissez-vous emporter par les aventures du dernier garçon de la Terre, vous en sortirez riche d’un voyage imaginaire qui nous en met plein les yeux et l’esprit.