Kasane vit des heures sombres. Considérée comme « monstrueuse » par ses camarades de classe elle subit diverses formes de harcèlement (coucou A Silent Voice). Son salut ? Déclamer avec brio des tirades lorsque la scène du club de théâtre est vide. De sa mère ne lui reste qu’un rouge à lèvres mais pas n’importe lequel : apposé sur ses lèvres il lui permet de prendre le visage et la voix de la personne qu’elle embrasse (sur la bouche) pour 12 heures. La lumière de la scène est donc à portée de main. Et lorsque Kingo Habuta, ancien ami de sa mère, débarque, tout s’assemble : il l’aidera à voler le visage d’1 fille afin de devenir une actrice de théâtre aussi renommée que feu sa mère. Car sans beauté même le plus grand des talents ne peut s’exprimer. Une leçon amère que Kasane expérimente quotidiennement même si on ne voit jamais son visage en entier. Mais l’aversion qu’elle suscite chez autrui ne nous est pas épargnée.
Adaptation libre d’un récit du XVIIe siècle, Kasane la voleuse de visage nous conduit dans l’univers du théâtre et nous offre un digest de plusieurs pièces. On y voit un petit monde se former le temps que dure la pièce puis se séparer. Bien sûr l’envers du décor ne nous est pas épargné : les intrigues autour de Kasane, sa renommée grandissante, les soucis rencontrés et les adaptations nécessaires pour arriver à ses fins (être reconnue, même si c’est sous un autre nom). Le drame sur scène se double souvent de drames dans les coulisses. Et le manga de verser dans le thriller voire le surnaturel sans que l’on sache trop ce qu’il en est en réalité (comme dans Gogo Monster).
Ce jeu d’opposition entre les aspects de Kasane se retrouve dans la différence entre jaquettes et couvertures (les secondes dévoilant les dessous des cartes derrière le vernis des jaquettes). Et si les grandes étapes du récit sont attendues, si le dessin peine parfois à nous emporter dans la magie des mouvements, l’exécution et le découpage se révèlent sans faille. Mieux : Daruma Matsuura nous offre une conclusion parfaite. Alors aux personnes qui repoussent celles et ceux qui sont trop « différents », on répondra : moi ce que j’aime c’est les monstres.
La (vraie) note : Embrassez qui vous voudrez / 20