Il y a des couvertures qui donnent franchement envie. Qui te font dresser les oreilles et les pattes avant, tel un labrador en rut ayant reniflé de la donzelle peu farouche. Tu te balade tranquilou chez ton libraire préféré (du moins, le plus sympa, celui qui te suis pas tout du long pour s'assurer que tu ne vas pas te barrer avec le dernier Astérix), tu zieute les rayons avec un regard fier et assuré, genre le gars à qui on l'a fait pas et à qui on ne refourgue pas comme ça une intégrale Pannini et ses traductions hasardeuses (Geneviève Coulomb, si tu m'entends, change de métier et devient proctologue), quand soudain, tu arrives sans crier gare devant l'étagère consacrée à Urban Comics. La sueur commence à perler sur ton front car tu sais ce qui va se passer. Tu le sais très bien, Tu t'en doute depuis le début. Tu as beau jouer le gars impénétrable et insensible mais tu sais que tu vas raquer. Et surtout, Urban Comics le sait. Tu frôles les Batman, les Superman, les trucs que tu as déjà ou qui ne sont pas dans tes priorités et là, c'est le drame. Tu tombes sur la sublime couverture de Kid Eternity, un comic-book datant quand même de 1991 et qui t'étais pourtant inconnu jusque-là. Et tu sais quoi ? A peine après avoir feuilleté trois ou quatre pages, tu es déjà chez toi en train de le lire, ton porte-feuille en larmes comme s'il s'était fait passer dessus par tout le 15 de France.


Tout ça pour dire que Kid Eternity mérite d'être redécouvert toutes affaires cessantes car il le mérite amplement malgré sa timide moyenne sur le site où vous lirez cette modeste critique (et je vous en remercie). Scénarisé par Grant Morrison et mis en images par Duncan Fegredo, il remet au goût du jour un personnage oublié des années 40, imaginé par Otto Binder et Sheldon Moldoff.


Se réappropriant totalement le bestiau, Morrison et Fegredo vont donner naissance à une oeuvre incroyable et fascinante, proche du Sandman de Neil Gaiman. Les auteurs nous offrent ainsi une relecture toute personnelle des enfers et de la création, nous entraînant au fin fond d'un délire métaphysique et théologique où la frontière entre le réel et l'imaginaire, entre le bien et le mal, est en train de se faire la malle.


Bien que très court, Kid Eternity est étonnamment foisonnant, mais demandera à ses lecteurs une certaine patience, tant il s'avère complexe, multipliant les références et les niveaux de lecture. A cela s'ajoute une mise en page tout simplement renversante, jouant magistralement avec les textures et les couleurs pour un résultat unique et loin de tout conformisme.


Exigeant et difficile d'accès, Kid Eternity mérite cependant un petit effort, tant il regorge de trésors et de merveilles, à condition de savoir où regarder.

Gand-Alf
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Le plaisir de buller selon Emma Peel et Gand-Alf. et Bubulles de 2016.

Créée

le 2 févr. 2016

Critique lue 416 fois

9 j'aime

4 commentaires

Gand-Alf

Écrit par

Critique lue 416 fois

9
4

D'autres avis sur Kid Eternity

Kid Eternity
Stephane_Hob_Ga
8

Une nuit en enfer

Grant Morrison n'a jamais été le scénariste le plus facile à appréhender. D'ailleurs, si je suis assez fan de l'auteur, j'ai toujours un peu de mal à conseiller ses travaux tant ils peuvent paraître...

le 24 août 2015

4 j'aime

3

Kid Eternity
Chrystophe_Mahieu
8

« il n'y a qu'une blague à laquelle on peut vraiment rire, et c'est l'existence. »

Il y a deux types de lecteurs de comics, ceux qui aiment Grant Morrison, et ceux qui ne l'aiment pas. Pareillement, il y a deux types de comics de Morisson, ceux que tout le monde pourra aimer, et...

le 4 déc. 2015

Kid Eternity
Missweek
6

Critique de Kid Eternity par Missweek

Graphiquement très prenant et parfaitement rétro, façon 90's, mais l'histoire ne nous mène nulle part et ce qui commençait par un rêve éveillé, effreiné et farfelu se prolonge, s'essoufle et nous...

le 16 oct. 2015

Du même critique

Gravity
Gand-Alf
9

Enter the void.

On ne va pas se mentir, "Gravity" n'est en aucun cas la petite révolution vendue par des pseudo-journalistes en quête désespérée de succès populaire et ne cherche de toute façon à aucun moment à...

le 27 oct. 2013

269 j'aime

36

Interstellar
Gand-Alf
9

Demande à la poussière.

Les comparaisons systématiques avec "2001" dès qu'un film se déroule dans l'espace ayant tendance à me pomper l'ozone, je ne citerais à aucun moment l'oeuvre intouchable de Stanley Kubrick, la...

le 16 nov. 2014

250 j'aime

14

Mad Max - Fury Road
Gand-Alf
10

De bruit et de fureur.

Il y a maintenant trente six ans, George Miller apportait un sacré vent de fraîcheur au sein de la série B avec une production aussi modeste que fracassante. Peu après, adoubé par Hollywood, le...

le 17 mai 2015

212 j'aime

20