Après nous avoir régalé avec Fondu au noir, la solide équipe composée par Ed Brubaker, Sean Phillips et Elizabeth Breitweiser est de retour avec Kill or Be Killed, un thriller très, très prometteur, dont le premier tome m'a laissée pantelante.
Ça parle de quoi ?
Dépressif et un brin loser, Dylan subit sa vie sans ambition particulière. Jusqu’au jour où cet éternel étudiant, amoureux de sa meilleure amie qui joue avec ses sentiments, décide d’en finir en se jetant du toit de son immeuble. Miracle ! Dylan s’en sort avec une simple fracture. La pauvre a été "sauvé" par un drôle de démon qui décide de lui faire payer son acte en lui proposant un pacte. Désormais, pour rester en vie, il devra chaque mois assassiner une personne qui mérite de mourir. Pour y parvenir, le frêle Dylan va se muer petit à petit en un redoutable justicier.
Pourquoi j'adore ?
Parce qu’il suffit d’un seul tome de Kill or Be Killed pour que le génial Ed Brubaker nous accroche totalement à sa nouvelle histoire pourtant bien plombante. Ultra dark, l'histoire de la métamorphose de Dylan, qui passe au fil des pages du statut de pauvre type qui fait pitié à celui de justicier dénué d’affect, est un modèle de storytelling. Un récit narré en voix-off, comme toujours superbement écrit (et traduit) par le scénariste britannique, auteur des géniales séries Velvet ou Criminal.
Pourtant, son thème principal a déjà été largement exploité par la pop culture. Qu’ils soient dotés de pouvoirs exceptionnels comme chez Marvel ou DC Comics, ou juste animés par un désir de faire payer les méchants comme le héros de la série Dexter, les justiciers sont légion. Mais Dylan n’appartient à aucune de ces catégories. Il n’est animé par aucun désir de faire le bien, il cherche juste à sauver sa peau. Un anti-héros pathétique et égoïste ? Au début seulement.
Car Dylan est un personnage complexe, comme aime les imaginer Ed Brubaker. Obligé de tuer pour survivre, il est d’abord bourré de scrupules mais va lentement se servir de ses mission pour s’affirmer et se venger des brimades et humiliations subies toute sa vie. C’est violent et brutal et les dessins de Sean Phillips ajoutent à cette ambiance poisseuse et, avouons-le, très déprimante. En ajoutant un soupçon de fantastique à son récit, Brubaker brouille les pistes et forge un récit en décalage avec les polars classiques. A moins que ce drôle de démon n'existe que dans l'imaginaire de Dylan...
Et si le diable joue avec Dylan, il s'amuse également avec les bas-instincts du lecteur. Qui n’a jamais eu un jour l’envie de régler leurs comptes à quelques pourritures et court-circuiter ainsi la justice (tout le monde n’a pas la sagesse d’Antoine Leiris) ? Avouez-le. Il y a un Dylan qui sommeille en chacun de vous.
C’est pour vous si…
Vous êtes un inconditionnel de Dexter Morgan (le médecin légiste qui butait les méchants la nuit à Miami) ou du personnage du Punisher (récemment adapté en série par Marvel sur Netflix), vous allez adorer les mésaventures de ce pauvre Dylan. Quand aux amateurs de BD rompus aux polars du duo Brubaker / Phillips, ils ne seront pas dépaysés. Bonne nouvelle : en plus de leur travail sur Kill or Be Killed, Brubaker et Phillips ont plein d'autres projets. Si l'on en croit les récentes révélations du dessinateur au site internet Bodoï, le binôme a prévu de donner deux suites à Fondu au noir et travaille également sur une romance. A suivre.
Critique publiée sur franceinfo.fr / Pop Up'.