Je suis partagé sur cette BD.
Je trouve le sujet vraiment passionnant, et l'auteur a l'immense mérite de mettre un coup de projecteur sur Kobané et au-delà sur le combat des Kurdes et leur volonté de créer une société démocratique basée sur l'égalité absolue des individus. C'est incroyable, oui, ça donne envie de croire à un projet pareil, qui ressemble à une utopie et qui pourtant est appliqué concrètement dans un contexte horrible de guerre impossible et de répression totale, les Kurdes étant pris en étau entre la Turquie et Daech.
Si je n'avais jamais lu Kobane Calling je n'aurais jamais eu conscience du combat mené par les Kurdes. Bien sûr j'en ai déjà entendu parler mais la situation au moyen orient est tellement inextricable, et finalement si mal traitée par les médias (en tout cas pas assez clairement), que j'ai toujours eu du mal à comprendre les enjeux des guerres entres les individus sur place. C'est peut-être révélateur de se dire que j'ai mieux compris la situation (une des situations, celle des Kurdes) grâce à une BD que grâce aux médias de notre pays... Je suis en partie fautif (pourtant c'est pas faute d'avoir lu des articles sur la Syrie, l'Irak, Daech et cie) mais faut-il aussi y voir la force de la BD ou la pauvreté du journalisme / discours politique dans notre pays ?
Je trouve Zerocalcare très pertinent quand il parle de récupération politique : on a tendance à faire la morale, à balancer de grands discours sur la démocratie et sur la lutte pour le droit des femmes, alors que les Kurdes sont sans doute plus avancés sur ces points que la société occidentale. Sans parler du fait de laisser la Turquie agir en toute impunité, et par là contribuer à réprimer ces mêmes droits des hommes et des femmes et la démocratie. Non sens absolu.
Après, j'ai été moins convaincu par le ton de la BD qui est très confus dans sa narration, à force d'utiliser l'humour référencé à tort et à travers. On a compris que Zerocalcare est de la génération manga/JV et qu'il abuse de ces références pour dédramatiser, jouer du décalage entre l'horreur de la guerre et l'attachement rassurant (et absurde du coup) que l'on a envers toutes ces valeurs. Bref, c'est parfois envahissant et la manière de faire intervenir des "amis imaginaires" est tout aussi épuisant. C'est une manière aussi de faire passer les a priori plus facilement, sur le ton de l'humour forcé (certains préjugés - très répandus sans doute, chez moi aussi - pourraient être qualifiés de racistes, en tout cas très très simplistes, avant d'être démontés par la réalité sur place). Mais c'est parfois trop, trop appuyé en tout cas, exagéré, alors que la simple présence, les paroles de ces hommes et de ces femmes qui combattent et vivent le conflit suffisent à rendre compte de la valeur de leurs convictions et de leur sacrifice.