Les Terres d'Arran telles qu'imaginées par Robert E. Howard


C'était une aube typique d'Aktmar. Une de ces foutues matinées où le froid vous mordait fermement la couenne. Pour un orc du Mahalal, c'eût été une partie de plaisir. Pour des mercenaires Chad', ça signifiait son lot de souffrances. La sueur glacée trempait cuirs et tissus. Les nuques se raidissaient, les ventres flasques se tordaient de spasmes. Et je vous laisse imaginer la douleur que le cavalier ressentait au fond de son bide quand les sabots de son canasson frappaient le sol. Les muqueuses qui se bouchent, les gorges qui raclent. C'était ça, chevaucher après une bonne nuit de gel. Et par Gor ! Une vraie bande de bâtards, quand ça en chie, ce n'est que réjouissance !




« Je suis Kronan et je crache sur vos gueules ! »



Je viens de vivre un moment épique et mémorable en plongeant dans les pages de cette bande dessinée provenant de l'univers Orcs & Gobelins ! Ce onzième tome est une œuvre d'une puissance démesurée, à la fois obsédante, rafraîchissante et inattendue. Les éditions Soleil ont frappé fort en faisant appel au talent indéniable de Jean-Luc Istin pour l'écriture et aux illustrations inoubliables de Sébastien Grenier. Cette épopée d'heroïc-fantasy regorge de richesses et se déroule dans l'univers fascinant des Terres d'Arran, tout en s'intégrant harmonieusement aux autres sagas dérivées telles que "Elfes", "Nains" et "Mages". Ce nouveau périple nous transporte au cœur d'un hommage à l'une des nouvelles originales de Robert E. Howard, mettant en scène le fameux Conan le Cimmérien dans "A Witch Shall Be Born" ("Une sorcière va naître"). C'est une fusion passionnante entre l'univers des Terres d'Arran, et l'œuvre de Howard, comprenant des nouvelles, des comics et même son adaptation cinématographique, "Conan le Barbare", réalisée par John Milius. Un mélange captivant qui promet une aventure palpitante et singulière pour les fans de fantasy !


Jean-Luc Istin fait preuve d'une grande habileté narrative en construisant son récit de manière dynamique et captivante. Il marie habilement une narration tourbillonnante avec une écriture éditoriale qui parvient à restituer l'essence du texte d'Howard tout en conservant la touche personnelle du scénariste. Ce mariage de styles offre une structure solide à cette épopée épique qui permet de mettre en lumière la philosophie de vie du Cimmérien à travers un autre personnage, un orc nommé "Kronan". Cette bande dessinée célèbre de manière admirative le célèbre Cimmérien en tissant un tissu dense de clins d'œil, venant de certaines nouvelles ainsi que de l'adaptation cinématographique, à travers ce périple ardent. Ils ne servent pas à plagier l'œuvre originale, mais à rendre un hommage probant à une franchise épique en la mêlant à une autre franchise exceptionnelle, l'univers complexe des Terres d'Arran. Une alliance qui offre un cadre d'une richesse, d'une intensité, d'une violence et d'une inquiétude qui permet de présenter cette allégorie de manière véritablement exceptionnelle. Une petite prouesse littéraire indéniablement réussit qui captive le lecteur pour nous plonger au cœur d'une fresque épique !


"Orcs & Gobelins", tome 11 : « Kronan », nous présente un récit héroïque narré par Kronan lui-même. Assis sur son trône, il arbore une longue chevelure, une barbe imposante, des muscles saillants, et une cape en fourrure qui rappelle dès les premières pages l'introduction cinématographique de Conan. Cette mise en scène nous plonge immédiatement au cœur d'une histoire d'une grandeur colossale et barbare. C'est ici que nous faisons la connaissance de Kronan, cloué sur une croix, dans une scène rappelant étrangement celle de Conan, où d'un coup de dents, il tue un vautour qui tente de l'attaquer. Une fois libéré par un heureux hasard, Kronan se retrouve plongé dans une lutte acharnée. Son défi consiste à rassembler une nouvelle armée pour reconquérir le Royaume d'Antarya, où il occupait autrefois le poste de capitaine de la garde personnelle de la reine Nawelln. Cette dernière a été remplacée par une usurpatrice d'une cruauté inouïe, plongeant le royaume dans le chaos. Le récit intense qui se dessine devant nous nous captive à chaque instant. À chaque page tournée, nous sommes animés par une curiosité grandissante, avide de connaître la suite des péripéties de Kronan. La lutte pour la reconquête du royaume, les obstacles qu'il devra surmonter, les alliances qu'il devra nouer, tout cela contribue à créer une histoire palpitante, imprégnée de fantastique et de bravoure. Une aventure épique dans laquelle nous nous laissons entraîner avec enthousiasme, impatient de découvrir chaque nouvelle étape de ce monde de chaos et de conflits.



Je redoublai d'ardeur, frappant avec l'acier, cognant avec mon poing, perçant les chairs, brisant les os, meurtrissant les muscles ennemis jusqu'à ce qu'il ne reste que des cadavres... Et j'entrai... Ce que je vis à l'intérieur semblait venir d'un autre âge. L'odeur... Quelle odeur ! Chacun de ses râles exhalait comme une centaine de cadavres en putréfaction.



Les moments de bravoure et de barbarie s'enchaînent de manière effrénée, créant une course folle où les cadavres s'amoncellent à travers une cruauté implacable. Cela se manifeste dès la scène d'introduction, lorsque un village est envahi par la nouvelle reine d'Antarya, une scène d'une barbarie sans merci qui donne le ton dès le départ. Cette séquence brutale nous plonge immédiatement dans un périple tendu, présenté comme une épopée héroïque à l'aura mythique. Le récit se déroule sur un théâtre spectaculaire qui se délecte des multiples rebondissements d'une violence extrême et captivante. Tout cela culmine dans une guerre finale impressionnante, bien que j'aurais souhaité qu'elle soit plus longue. Elle se conclut par un affrontement cataclysmique entre Kronan et un gigantesque monstre occulte, une créature terrifiante venue des temps anciens. Ce combat évoque une réinterprétation du mythe de David contre Goliath, mettant en scène l'ascension extraordinaire de l'homme, bien que dans ce cas, il s'agisse d'un orc, face à une force divine. Cette confrontation est soutenue par des actions percutantes et démesurées qui ajoutent à l'intensité du récit. Mon seul petit regret, qui aurait pu justifier une note maximale si cela avait été le cas, réside dans l'absence d'une menace à la hauteur de Kronan, susceptible de déboucher sur un affrontement épique en combat rapproché. Toutefois, je ne vais pas trop me plaindre, car le récit nous offre une confrontation tout à fait appréciable dans une vaste mélée, où Kronan se mesure à Syrius, son adversaire équivalent en quelque sorte. Ce duel se déroule alors que l'antagoniste chevauche un destrier, affrontant Kronan à dos d'un taureau aux cornes massives, au cœur d'un vaste champ de bataille où des milliers d'hommes s'affrontent.


Kronan, orc du Mahalal, se révèle véritablement captivant en tant que personnage principal, évoquant incontestablement Conan, tout en ayant sa propre personnalité bien définie. Son attitude fière, sa manière de combattre, et ses nombreuses aventures le rendent réellement plaisant à suivre. De plus, ses réflexions ponctuées de l'expression "Par Gor", en référence à l'une des divinités du culte des Orcs, ajoutent une touche amusante et rappellent le célèbre "Par Crom" de Conan. Kronan maintient tout au long du récit une posture dominante, peu importe les situations auxquelles il est confronté. Il incarne la fierté d'un guerrier intrépide qui ne se soumet à personne. Son passé demeure largement inexploré, laissant place à des possibilités intrigantes. En connaissant la relation traditionnelle entre les Orcs et les humains, on ne peut s'empêcher de se demander comment Kronan est devenu le soldat le plus important d'un royaume humain gigantesque, vivant parmi eux sans jamais laisser transparaître de mépris envers leur race ni envers la sienne. Il se distingue en tant que seul Orc au milieu de ce mystère qui suscite notre curiosité et que l'on espère voir exploré dans de futures aventures. D'autres personnages intrigants émergent dans cette histoire, tels que le puissant nain "Torum", un vaillant combattant au service de l'armée d'Antarya. En revanche, la reine Nawell peut sembler un peu moins captivante, incarnant une sorte de caricature de bonté. Par contre, son passé révèle des éléments fascinants, notamment la malédiction qui pèse sur les Rois d'Antarya, un récit que nous narre avec frisson Kathat, un mage nécromancien. De cette histoire découle une vérité troublante concernant Shaala, la jumelle maléfique de la reine, animée par une insatiable soif de décadence et de violence. Elle se révèle être une antagoniste à la hauteur de l'épopée qui se déploie, et elle est accompagnée d'adversaires redoutables.


Les illustrations de Sébastien Grenier, associées aux couleurs de J. Nanjan, nous offrent une fresque d'une beauté exceptionnelle. C'est tout simplement magnifique ! L'univers des Terres d'Arran est renommé, et à juste titre, pour ses décors incroyables, riches en panoramas uniques, en édifices grandioses, en statues vénérables, et en paysages sauvages fantastiques. À l'instant où j'écris ces lignes, je dois avouer que ce onzième tome est l'album le plus somptueux que j'ai eu l'occasion de lire. Chaque case est un chef-d'œuvre artistique, capturant l'épopée au travers de paysages à la fois sombres et sinistres, mais aussi empreints d'une aura divine. Ces illustrations évoquent parfaitement l'univers de l'héroïc fantasy et rendent hommage non seulement aux Terres d'Arran, mais aussi à l'univers de Conan le Barbare. Que ce soit le royaume d'Antarya avec sa majestueuse place D'Alaïm, offrant des plans d'une beauté époustouflante avec des perspectives envoûtantes, le palais de la Reine, ou encore le temple de la vie, la magie prend vie. Les décors extérieurs sont également un pur régal visuel, des reliefs escarpés d'Antarya au légendaire temple des savoirs anciens de la Porte des Döls, en passant par les majestueuses montagnes du Sud... Chaque détail est minutieusement travaillé pour sublimer cet univers fantastique. En ce qui concerne les caractéristiques physiques des personnages, c'est vraiment impressionnant ! Des visages marqués aux traits délicats, chaque détail est soigneusement travaillé, offrant un jeu d'ombres efficace qui met en valeur les costumes et les armures d'une esthétique à la fois vénérable et imposante. Les corps des personnages sont magnifiquement sculptés, que ce soit la musculature des hommes ou les courbes gracieuses des femmes. Il y a même des planches érotiques à la sensualité délicieuse qui rendent hommage aux comics de Conan. C'est un régal pour les yeux !



CONCLUSION :



"Orcs & Gobelins", tome 11 : « Kronan », de Jean-Luc Istin et de Sébastien Grenier, est une lecture captivante qui ravira les fans de l'univers des Terres d'Arran, tout en offrant un hommage efficace à l'œuvre de Robert E. Howard, avec Conan le Cimmérien. Une bande dessinée qui nous plonge dans un périple épique où l'action, la brutalité, et les rebondissements se conjuguent pour créer une expérience à la portée myhtique. Une aventure à la fois visuellement époustouflante et narrativement prenante, qui mérite pleinement l'attention des amateurs de bande dessinée d'héroïc fantasy.


Par Gor ! On frôle la perfection avec cet album !



C'est en ces temps que vint Kronan, orc du Mahalal aux cheveux noirs, au regard sombre, l'épée au poing ! Tour à tour voleur, pillard, tueur et roi, aux accès de mélancolie tout aussi démesurés que ses joies, il foula de ses sandales les trônes constellés de joyaux des Terres d'Arran !


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le 23 sept. 2023

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