Un cave à la cave
E.P. Jacobs a toujours manié l'art du contre-pied. Sensible aux critiques de ses albums, il a sans cesse cherché à plaire. Aussi, après un opus de science-fiction (trop au goût de certains...
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le 26 juil. 2021
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Les tests et les discutions orchestrés par Blackboomerang sur SC m'ont donné envie de m'intéresser d'un peu plus près au cas du méchant dans le BD franco belge classique.
la présente réflexion centré sur Olrik parlera donc du colonel Olrik en général et non de l'épisode de l'Affaire du collier.
Le principe du méchant en BD.
Remarquons d'abord que le principe d'un mécahnt récurent n'est pas obligatoire dans l'univers de la BD franco-belge classique, et que plusieurs série s'en passent plutôt bien comme Astérix, (on pourrait éventuellement discuter pour savoir si Jules César est le méchant d'Astérix mais on peut d'or et déjà constater que JC n'incarne pas une figure terrifiante destiné à faire du lui un repoussoir).
Remarquons ensuite que le méchant observe une fréquence d'apparition bien moindre que les héros et ce même lorsqu'ils apparaissent très tôt dans la série.
Ainsi l'on constate que même des méchants aussi bien campé et installé que Rastapopoulos (Tintin) ou Olrik ((Black et Mortimer) n’apparaissent pas dans tous les épisodes des sagas.
Pour important qu'il puisse être la figure du méchant ne constitue pas l'unique shéma dramaturgique des séries.
On peut sans trop de risque poser le principe que le méchant ne constitue pas un bloc monolithe mais présente de multiples variations (y compris au sein d'une même saga) que je vous propose d'étudier ensemble.
J'avoue que si j'ai quelques idées, j'ai l'impression que l'essentiel de la problématique du méchant de BD m'échappe encore, aussi voilà quelques réflexions / indices que je livre à votre sagacité pour approfondir une réflexion que j'espère aussi fructueuse que collective.
Le colonel Olrik :
On peut d'abord (et ce n'est pas commun) remarquer qu'Olrik apparait dès le tout début de la saga dans les premières pages du secret de l'Espadon bien avant l'entrée en scène du duo héroïque le Professeur Philip Mortimer et le Capitaine Francis Blake.
L'auteur et son double.
Notons ensuite que EP Jacobs crée le personnage d'Olrik à partir de sa propre apparence choix qui en dit long à la fois sur l'importance qu'il accorde à ce personnage et l'image assez dégradé qu'il a de lui même donner son apparence et ainsi se reconnaitre dans un personnage négatif n'est pas psychologiquement neutre.
EP Jacobs au mode de vie très discret était par ailleurs une chanteur d'opéra qui fit une certaine carrière avant d'être absorber par la BD. On détecte ici un double aspect que l'auteur à projeter (sans doutes inconsciemment) sur son personnage. Un gout de la discrétion certain pour la discrétion, (indice sans doute d'une timidité refoulée).
- On ne le voit jamais préparer ses complots.
- Même lors qu'il apparait dans son refuge il ne se départit pas d'une certaine élégance qui le distingue de ses complices.
- Olrik ne révèlera jamais rien sur ses origines. (même quand dans "La marque jaune" on le retrouve totalement psychologiquement détruit au point d'avoir oublié son nom aucuns souvenirs personnels n'affleurent) (contrairement par exemple au capitaine Haddock (Le crabe au pinces d'or) qui dans une crise d’alcoolisme en arrive à évoquer sa mère).
Mystère absolu sur ses origines qui semble caché de lourds secrets et blessures narcissique qu'Olrik s’emploie à compenser au prix à la fois d'une certaine flamboyance. En effet le colonel ne semble jamais aussi heureux que lorsqu'il est découvert que lorsque de manière théatrale il se révèle sur dans l'histoire comme s'il attendait avec impatience qu'enfin on le démasque.
SOS Météores P. 43 :
Olrik (enlevant ses postiches) : "Eh bien, êtes vous satisfait capitaine Blake ?"
On remarque que par deux fois (SOS Méteores Le secret de la grande pyramide) qu'Olrik est trahi par sa voix en dépit de tout le soin qu'il a apporter à son déguisement, comme si son désir d'être enfin reconnu emportait tout.
Plus que de pouvoir c'est de reconnaissance dont Olrik semble être avide.
En effet il est rarement en position de chef suprême dans ses aventures préférant un rôle de second.
- Dans le secret de l'Espadon il est soumis à l'empereur Basam-Damdu.
- Dans SOS Météores un mystérieux général (pourvu d'une moustache hitlérienne) le domine P. 53-54.
- Dans la marque Jaune il est réduit au rang de marionnette du professeur Septimus.
Avec ces autorités de tutelle Olrik fait preuve de sentiment ambigus.
- Il déploie une grande énergie et ne recule devant aucuns moyens pour accomplir les projets de ses maitres. Il n'y a aucunes restrictions dans son engagement.
- Mais il ne peut également s'empêcher de chercher à vouloir trahir la cause qu'il sert dès que son désir est contrarié.
- Il propose à Mortimer de l'aider à trahir l'empereur dans le secret de l'espadon.
- Il cherche à empoisonner Mortimer dans SOS Meteores en dépit des ordres du général.
- Redevenu lui même il foudroie le professeur Septimus responsable de son asservissement (La marque Jaune).
Esquisse d'un profil psychologique du colonel :
Pour résumer on peut dire qu'Olrik au vue des éléments révélé dans les albums de Jacobs présente les caractères suivants.
- Gout pour un certain faste (qui se revèle notamment à travers les personnages qu'il incarne quand il prépare ses complots).
- Besoin de se dissimuler il prépare ses coups en douce, fuit la lumière se cache se terre (comme en témoigne son gout pour les souterrains qui se retrouve dans presque toutes ses aventures).
- Difficulté à être autonome ce qui le conduit à rechercher la tutelle d'une autorité supérieur qui lui offrant une certaine reconnaissance, lui offrant la confiance en lui qui lui manque. Rien ne semble en effet plus douloureux que d'avoir le sentiment d'être roulé ce qui provoque chez lui de furieuse colères (cf la fin de l'affaire du collier où découvrant qu'il s'est fait avoir il éclate de colère à la manière d'un enfant faisant une crise).
On peut poser l'hypothèse que plus qu'un monstre assoiffé de sang et de pouvoir, Olrik est un personnage en mal de reconnaissance. Qui éternellement semble ne jamais pouvoir se sentir pleinement à sa place qualifié de traitre par Blake au début de L'espadon, il ne cesse de chercher un remède à un sentiment d'imposture qui sans cesse (sans qu'il en ait conscience) le hante et le taraude.
Créée
le 9 juin 2024
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