Récit miroir de L’art de voler, cette histoire terrible nous plonge au cœur du destin tragique et simple d’une femme. Terrible parce que simple, aurais-je dû écrire, tant le simple fait de naître femme dans l’Espagne des années 30 vous plombait un destin pour une vie entière. Cette fois, le scénariste s’attache à retracer le parcours de sa mère, cette douce apparition angélique transformée en mégère intégriste dans le volume consacré à son père. Bien entendu, elle était bien davantage que ça, et il fallait lui rendre justice. Voilà chose faite ; la petite fille que son père a estropiée à la naissance, pour lui faire payer la mort de sa mère en couches, grandira dans un village étriqué, servira une famille riche, épousera un républicain et connaîtra une vieillesse un peu pathétique sans que jamais son grand dadais de fils ne se rende compte de son infirmité. C’est là toute la tragédie de cette vie discrète, si facile à passer aux oubliettes que même sa propre famille l’a tenue pour quantité négligeable, comme bien des femmes de sa génération. Mais petit poisson est devenu grand et a fini par souhaiter soulever un peu ses œillères. Ce qu’il a découvert valait bien une BD, sans doute.